La renommée du jeune Rossini (20 ans) finit par arriver aux oreilles des hiérarques de la prestigieuse Scala de Milan, grâce notamment à la basse Filippo Galli – qui avait chanté Tarabotto dans l’Inganno felice au tout début de la si prolifique année 1812 – mais aussi à la contralto Marietta Marcolini, avec laquelle on pense que Rossini a un peu fricoté. La Marcolini était de l’équipe qui avait créé l’Equivoco stravagante puis Ciro in Babilonia. Confiante, mais pas inconsciente, la Scala commande une nouvelle œuvre au jeune prodige en demandant le livret à une valeur sûre parmi les librettistes, Luigi Romanelli. Le résultat de cette collaboration est cette Pietra del paragone, créée voici tout juste 206 ans.
Trois jeunes femmes qui ont chacune un amant, convoitent le même riche parti, le comte Asdrubale. Seule l’une d’entre elles, Clarice, aime sincèrement ledit comte. Ce dernier, qui n’est pas tombé de la dernière pluie, va les mettre à l’épreuve. Il fait croire qu’il est ruiné et qu’un Turc (c’est lui-même qui se déguise) détient des reconnaissances de dettes. Prétendantes et amants de ces dernières se détournent aussi sec du comte, sauf Clarice. On aurait pu en rester là, mais voilà que l’acte suivant renverse les rôles : c’est Clarice qui va tester les sentiments du comte en faisant croire que son frère jumeau (c’est elle-même qui se déguise) s’oppose à leur union. Le comte jure son amour, rien ne peut plus s’opposer aux noces, pas même l’infortuné Giocondo, amant de Clarice mais aussi meilleur ami d’Asdrubale. Le tout sous le regard médusé, mais finalement compréhensif des éconduites.
Le second acte étant a priori très superflu, au moins quant au fond de l’argument qui menace de tourner en rond (comme la pierre qui roule), le spectacle donne lieu à de multiples farces qui régalent littéralement le public de la première, lequel acclame Rossini. Stendhal tenait d’ailleurs cette Pierre de touche comme supérieure au Barbier de Séville.
Parmi les (trop) rares productions de ce chef d’œuvre biscornu, celle du Châtelet – en partenariat avec Parme et Cagliari – il y a quelques années, dans la mise en scène très vidéographique de Giorgio Barberio Corsetti et de Pierrick Sorin, vaut le détour. On aurait pu choisir le fameux air « Ombretta sdegnosa del Missipipi (sic)», ou tant d’autres si annonciateurs des chefs-d’œuvre à venir, mais c’est le finale, si réjouissant, que l’on a retenu, sous la baguette de Jean-Christophe Spinosi.