Contrairement à ce que l’on croit souvent, Dialogues des Carmélites de Bernanos n’est pas une œuvre originale de ce dernier, mais son adaptation (magistrale) d’abord pour le cinéma puis pour le théâtre, d’une nouvelle de la romancière allemande Gertrud von Le Fort, La dernière à l’échafaud (Die Letzte am Schaffot). Elle raconte l’histoire véritable de seize carmélites de Compiègne exécutées en juillet 1794, juste avant la chute de Robespierre. Le Fort avait puisé dans le récit réalisé par Mère Marie, qui, elle, n’était pas montée sur l’échafaud. Les seize de Compiègne ont d’ailleurs été béatifiées au début du XXe siècle.
Poulenc se voit proposer par l’éditeur Ricordi d’adapter la pièce de Bernanos pour l’opéra à peine deux ans après la création de celle-ci et il accepte sans hésiter. On sait que Poulenc, il le rappelait lui-même, avait toujours été marqué par la foi de son père aveyronnais, qui était « magnifiquement croyant ». Il bâtit le livret directement à partir du texte de Bernanos et en modifie régulièrement l’agencement, jusqu’à ce que la partition soit prête, en juin 1956. Le temps pris par le projet s’explique aussi par la bataille autour des droits d’auteur de la pièce, que Poulenc a mal supportée. Plus humaine que religieuse, l’œuvre fait appel, de l’aveu même de Poulenc, à Verdi, Moussorgski, Debussy mais aussi Monteverdi.
On oublie également parfois que la création de l’opéra a eu lieu à la Scala de Milan et non à Paris, dans une traduction italienne, sous la direction de Nino Sanzogno et dans une mise en scène de Margherita Wallmann, près de six mois avant la création parisienne, dont l’enregistrement parallèle, dirigé par Pierre Dervaux, est bien connu. Si bien que la première Blanche de la Force a été incarnée par Virginia Zeani, avant Denise Duval, Madame Lidoine par Leyla Gencer avant Régine Crespin et Constance par Eugenia Ratti avant Lilliane Berton. Quelques années plus tard, Poulenc ajoutera les célèbres interludes et l’œuvre est désormais un pilier du répertoire.
En voici la bouleversante scène finale, ponctuée par les terribles glissements de la guillotine, à Milan, justement, dans la mise en scène de Robert Carsen et sous la baguette de Riccardo Muti.