Unique opéra de Ludwig van Beethoven, Fidelio, créé au Kärtnertor-theater de Vienne, se sera fait longtemps attendre. Beethoven s’était intéressé tôt à la pièce de Jean-Nicolas Bouilly, Léonore ou l’amour conjugal, déjà plusieurs fois adaptée pour la scène lyrique par Paer et Mayr. Dès le départ, il dut choisir comme titre Fidelio, puisque Paer avait conservé celui de Léonore. Achevée à l’été 1805, la première partition fut créée fin novembre 1805 devant quelques soldats de l’armée française, laquelle venait d’entrer dans Vienne quelques jours avant d’aller remporter la bataille d’Austerlitz. Beethoven en tira peu après une seconde version, avec un livret remanié, et l’appela pour lui-même Léonore ou le triomphe de l’amour conjugal, pour laquelle il compose la fameuse ouverture Léonore 3. Le tout est présenté à Vienne fin mars 1806, avec davantage de succès, mais le bougon Beethoven le jugea insuffisant et le retira.
Huit ans plus tard, quelques chanteurs parvinrent à convaincre Beethoven de mettre une troisième fois l’ouvrage sur le métier, avec Treitschke pour cette nouvelle version du livret et une refonte de la partition, jusqu’à quelques jours avant cette création. L’ouverture n’était pas encore prête et fut jouée ensuite.
S’il a réussi à conquérir le public, l’opéra n’a jamais convaincu son propre auteur. Mais fort heureusement, il n’a jamais quitté l’affiche. Emblématique de l’œuvre, ce saisissant monologue halluciné de Florestan, au début du second acte, est un exercice périlleux pour les ténors qui s’en emparent. L’un des derniers en date est ici le formidable Jonas Kaufmann, sous la baguette attentive et impériale de Claudio Abbado dont c’est le dernier enregistrement d’une intégrale lyrique.