Comme Offenbach l’avait fait plus de 30 ans plus tôt, révélant ainsi un certain Georges Bizet grâce à son Docteur Miracle, l’éditeur Sonzogno lance en 1888 un concours de composition lyrique, le second du genre en Italie, qui porte sur un opéra en un acte. Puccini conseille à son ami Pietro Mascagni, alors professeur de musique dans les Pouilles, de tenter sa chance (lui-même avait été recalé avec ses Villi quelques années plus tôt lors de la première édition du concours). Mascagni accepte et choisit pour argument une pièce de Giovanni Verga, Cavalleria rusticana, créée à Turin en 1884. Aidé par un autre de ses amis, le poète Giovanni Targioni-Tozzetti, Mascagni boucle le livret et la partition in extremis. A Rome, sur la sublime piazza della Rotonda, une plaque un peu défraichie sur un immeuble couleur ocre qui ne l’est pas moins, rappelle que le compositeur a achevé là, au printemps 1890, ce qui deviendrait un pilier du répertoire lyrique. L’œuvre fera aussi couler beaucoup d’encre, et souvent de façon très injuste et inutilement méprisante, entre dénonciations d’une Sicile de pacotille, accusations de facilité et autres vulgarités ou railleries sur son côté peu novateur. Mascagni était en effet un compositeur très attaché aux conventions musicales de son siècle et n’est devenu « vériste » qu’un peu par hasard, comme le souligne le musicologue David Kimbell. Simple ? Mais efficace ! Facile ? Mais tellement beau !
Vainqueur du concours, notamment face à Umberto Giordano, Mascagni crée son mélodrame au Teatro Costanzi de Rome il y a tout juste 127 ans. Devant une salle à moitié vide, il remporte pourtant un triomphe délirant qui parvient jusqu’aux oreilles du vieux Verdi, lequel fait mine de s’en inquiéter, alors qu’il est en pleine gestation de son ultime chef d’œuvre, il est vrai autrement audacieux, Falstaff. Mascagni est porté en triomphe, ce qui lui fera dire qu’il avait été « couronné avant d’être roi », s’il le fût jamais.
En 2015, Yannick Boussaert avait accueilli en demi-teinte la production du festival de Pâques à Salzbourg, et notamment un Christian Thielemann bien peu idiomatique. Mais il avait souligné combien la mise en scène intelligente et inventive, de même que l’incarnation de Jonas Kaufmann, s’y révélaient fascinantes dans Cavalleria rusticana. En voici la fameuse scène finale.