C’est un Allemand qui propose à Bedřich Smetana le livret de ce qui allait devenir le grand opéra national tchèque, Dalibor. Mais il lui faudra affronter bien des vicissitudes avant de s’imposer : Smetana mit 2 ans à composer ce chef d’œuvre, bien peu donné par ici, mais néanmoins admirable. Il fut choisi pour l’inauguration du théâtre national de Prague, mais fut immédiatement violemment attaqué par les tenants de la tradition tchèque en raison de son « wagnérisme », et donc de son germanisme, honni par les nationalistes pragois. L’œuvre ne fut donc plus jouée pendant 18 ans et remporta enfin un grand succès après la mort de Smetana.
Elle raconte l’histoire de Dalibor, chevalier accusé devant la Cour du roi Vladislav d’avoir tué le seigneur de Ploškovice. La sœur de ce dernier, Milada, exige sa mort. Dalibor assume et révèle avoir tué ce seigneur car celui-ci avait assassiné son cher ami Zdeněk. Le roi refuse qu’on se fasse justice à soi-même et le condamne à la prison à vie. Mais Milada, saisie par le récit de Dalibor, en tombe éperdument amoureuse. Déguisée en garçon, elle endort la méfiance du geôlier (façon Leonore de Fidelio) et rend visite à Dalibor. Elle lui porte de quoi s’évader et ils s’avouent leur amour éternel. Pendant le temps, le peuple se révolte et veut la libération de Dalibor. Le tribunal essaie d’obtenir du roi la mort du chevalier et y parvient, tandis que Milada a réuni quelques fidèles pour prendre d’assaut la prison. Mais ils attaquent trop tard, se font massacrer et Milada expire dans les bras de Dalibor, qui se précipite contre les armes des soldats du roi.
La musique de Smetana, pleine de contrastes, de clairs-obscurs et d’héroïsme lyrique, donne lieu à des moments de pure grâce et d’autres très impressionnants. L’ouverture, avec chœur, est par exemple somptueuse. Dans cet autre extrait du premier acte, ici chanté dans les règles de l’art par Tomáš Čzerny, Dalibor parle lors de son procès à son ami assassiné Zdeněk et lui dit, exalté, qu’il se prépare à le rejoindre, sous le regard admiratif du peuple. En tendant l’oreille, on entend déjà les échos des poèmes symphoniques qui composeront le grand cycle « Ma Patrie »…