Au début des années 1820, voici plus de 5 ans que Rossini est le directeur musical du théâtre San Carlo de Naples. Il lui a donné des chefs-d’œuvre dont il ne sait pas encore qu’ils deviendront immortels et d’autres que le temps a jetés dans l’oubli. Le compositeur est devenu las des soubresauts de l’imprévisible capitale du nouveau royaume des Deux-Siciles. La grande insurrection de 1820, qui arrache à l’austère Ferdinand Ier une constitution, l’a exaspéré. L’entrée dans la ville des troupes autrichiennes pour rétablir la monarchie absolue l’a profondément ébranlé. Il étouffe désormais et veut se libérer de ce qui est devenu pour lui un fardeau.
C’est le directeur du théâtre, l’impresario Domenico Barbaja, qui lui offre sans le savoir son ticket de sortie de Naples. Barbaja devient en 1821 le directeur du Teater am Kärtnertor et du Teater an der Wien de la capitale autrichienne. Il songe à une tournée de la troupe du San Carlo pour apporter à Vienne les lumières napolitaines. Rossini est ravi de la perspective de se joindre à la troupe. En prévision du voyage, il doit composer un nouvel opéra qui sera ensuite présenté à Vienne.
Le compositeur se tourne vers un librettiste en qui il a confiance et qui lui a déjà offert les livrets de Mosè, Ermione et la Donna del Lago, Andrea Leone Tottola. La source choisie est une pièce de Dormont de Belloy, Zelmira. À partir de cette source, hélas, Tottola bâtit un livret qui brille surtout par sa faiblesse et ses incohérences. Mais musicalement, Rossini, lui, se surpasse, conférant des couleurs, une complexité, une science toujours plus abouties, toujours plus étourdissantes. Et comme les émotions passent par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, la partition se termine sur un happy end de bon aloi.
Mais le happy end est aussi pour Rossini. Voici quelques temps déjà que le compositeur a remplacé le même Barbaja dans le cœur de la star de la maison, Isabella Colbran. Au départ de la troupe, non seulement Rossini sait qu’il ne reviendra pas à Naples, mais il a aussi l’intention d’épouser la diva, qui ne demande pas moins. Un mois après la première napolitaine de l’opéra, ce sera chose faite lors d’une étape à Bologne sur la route de Vienne, dans la petite église de Castenaso en présence des parents de Rossini, Giuseppe et Anna, qui ont fait le déplacement.
C’est donc à Naples qu’a d’abord eu lieu la première de Zelmira, qui est donc aussi la dernière pour Rossini au San Carlo, voici tout juste deux siècles. Elle rencontre un très grand succès malgré les faiblesses du livret – à croire que le public est habitué. Un triomphe qui se renouvellera à Vienne et qui ouvrira à un Rossini déjà immensément célèbre en Europe, d’autres horizons qui passeront bientôt et pour toujours par Paris. Mais c’est là une autre histoire. Zelmira, hélas, ne sera pas si souvent reprise, malgré son invention musicale.
Parmi les grandes réussites de cette partition très riche, le grand concertato final du premier acte est une forme de chef-d’œuvre, ici à Pesaro en 2009, sous la direction de Roberto Abbado.