Deux ans après le triomphe des Fêtes vénitiennes, André Campra qui est alors en quelque sorte le directeur musical de l’Académie royale de musique, met en chantier une tragédie lyrique, genre qu’il avait déjà abordé 10 ans plus tôt avec Tancrède. Le succès obtenu avec ce dernier, faisant de lui un digne successeur de Lully en la matière, n’avait pas effacé l’idée que Campra donnait le meilleur de lui-même dans les opéras-ballets et les divertissements. Il est pourtant l’auteur de nombreuses tragédies aujourd’hui très oubliées. Pour ce nouvel opus, il s’appuie sur le librettiste Antoine Danchet, avec qui il a déjà collaboré plusieurs fois et en particulier dans ses deux plus grands succès précités.
Danchet va puiser dans la mythologie grecque, non sans emprunter à une pièce nettement plus récente autour du personnage d’Idoménée. Sa source d’inspiration première lui vient en effet du jeune Prosper de Crébillon (futur Crébillon père), lui-même inspiré par le Télémaque de Fénelon. Danchet modifie quelques personnages et en ajoute d’autres, change des noms et finit par créer des entrelacs fort compliqués en 1 prologue et 5 actes, comme il se doit.
Bien des années plus tard, c’est à partir de ce livret que Varesco concoctera – avec un peu plus de clarté – celui de Mozart, resté plus fameux.
Campra quant à lui, confirme, s’il en était besoin, qu’il est l’un des grands compositeurs de l’époque et tout particulièrement, avant Rameau, un grand musicien pour l’orchestre et le théâtre, n’ayant pas son pareil dans les ensembles et les situations les plus dramatiques.
Son Idoménée, pourtant, ne rencontre pas un franc succès, que Campra ne connaîtra d’ailleurs plus vraiment au théâtre. Il le remettra un peu sur le métier près de 20 ans après, en 1731, mais sans davantage d’effet. Son heure était passée, celle de Rameau avait sonné, puisque c’est en 1733 que ce dernier, alors quinquagénaire, créera son premier grand chef d’œuvre lyrique dans le domaine de la tragédie, Hyppolyte et Aricie. Mais c’est là une autre histoire, même s’il est intéressant de noter que Campra, entendant cette œuvre, aura ce mot fameux : « Il y a dans cet opéra assez de musique pour en faire dix ; cet homme nous chassera tous ». Il ne croyait pas si bien dire.
C’est un extrait poignant de l’Idoménée de Campra que j’ai choisi, l’air d’Illione (Ilia chez Mozart) « Espoir des malheureux », ici porté par la lumineuse Sandrine Piau.