Il y a 101 ans tout juste, au Stadttheater de Zurich, le compositeur italien de naissance mais allemand d’adoption Ferruccio Busoni crée lui-même deux œuvres lyriques lors de la même soirée (elles ne durent guère plus d’une heure chacune) : le capriccio théâtral Arlecchino ou les Fenêtres, et le conte chinois Turandot. Un malheureux oubli a fait manquer le centenaire à votre serviteur, mais il n’est jamais trop tard pour parler de ces deux petits bijoux trop méconnus. Commençons cette année par Turandot, qui a été imaginée en premier, mais pas sous la forme d’un opéra : en 1905, Busoni a conçu une musique de scène destinée à être jouée lors d’une représentation de la fable de Gozzi pour le centenaire de la mort de ce dernier (1806). Il n’en fut rien et la partition attendra plusieurs années avant d’être utilisée à cette fin au Deutsches Theater de Berlin, dans une production réglée par Max Reinhardt, à laquelle il semble que Puccini ait assisté (tiens, tiens…). On en serait sans doute resté là si Busoni, travaillant à son Arlecchino pour Zurich, n’avait pas été contraint au dernier moment – ou presque – de fournir une autre œuvre pour compléter une soirée qui sans cela aurait été trop courte. Busoni se met au travail début 1917 pour le livret comme pour la partition, qui collent de très près l’original de Gozzi, bien davantage que ceux de Puccini, qui feront pourtant oublier l’oeuvre de Busoni, qui ne le saura pas, puisqu’il mourra quelques mois avant son confrère.
Assez différent du grand spectacle puccinien, le conte musical de Busoni est plus proche du Coq d’or dans son esprit comme dans sa forme, plus ironique, plus grotesque. Plus gozzien en somme. C’est un petit chef d’œuvre qui vaut davantage qu’un détour. Voici par exemple un trop court extrait d’une production récente à l’opéra de Dijon, fort bien accueillie par notre collègue Jean-Marcel Humbert dans ces colonnes, et qui laisse transparaître ce côté magique un peu distancié, bien dans l’esprit d’une Alice au pays des merveilles.