Avant d’être sollicité pour achever la Turandot de Puccini et de déchainer les passions sur la qualité de ce finale, Franco Alfano est déjà un compositeur dans sa maturité. Parmi ses ouvrages lyriques, Risurrezione lui avait assuré un important succès, et il était devenu directeur du Conservatoire de Turin en 1918, à 43 ans.
En 1921, il écrit un nouvel opéra dont il réalise lui-même le livret, La légende de Sakùntala, inspiré de l’œuvre de Kālidāsa, célèbre auteur indien du Ve siècle écrivant en sanskrit. Cet opéra en trois actes raconte une histoire à mi-chemin entre Parsifal (Fritz Reiner le considérait d’ailleurs comme le « Parsifal italien ») et Cendrillon. Il est présenté au théâtre communal de Bologne voici 100 ans aujourd’hui. Mais à la suite des bombardements alliés durant la Seconde guerre mondiale qui détruisent en partie les éditions Ricordi, on pense le manuscrit perdu. Alfano le reconstitue donc en 1952 avec le seul titre de Sakùntala et c’est ainsi qu’il est donné à l’Opéra de Rome. Ce n’est qu’en 2006 que l’on redécouvrira une copie de l’original. Ces dernières décennies, cette œuvre opère un retour en grâce qui peut sembler étonnant, mais qui s’explique par le fait qu’elle est souvent considérée comme la meilleure d’Alfano, devant même Risurrezione. Sa technique musicale, héritée de Strauss et Wagner, de même que son sujet, vaguement extatique, en font une partition dense – que d’aucuns peuvent trouver indigeste. Reproche qui poursuivra Alfano toute sa vie, et avant tout à cause de la scène finale de Turandot, on y revient toujours.
Pourtant, tout comme Risurrezione, cette œuvre d’Alfano veut le coup d’oreille. Surtout lorsqu’elle est interprétée par de grands artistes comme ici Anna de Cavalieri, ici dans l’un des principaux airs de l’opéra, « O Nuvola… », dans la version reconstituée par Alfano, en 1955.