On le savait, Jean-Luc Choplin allait poursuivre à la Seine Musicale dans le sillon qu’il avait tracé au Châtelet. Pour remplir la Grande Salle de l’institution de Boulogne-Billancourt, destinée à la musique sonorisée, il avait annoncé qu’il reprendrait les recettes ayant fait leur preuve dans le centre de Paris. L’espace en question étant conçu pour accueillir notamment des comédies musicales, il est donc logique qu’on y retrouve ce West Side Story qui a déjà fait les beaux jours du Châtelet en 2009 et en 2013.
Bien sûr, la scène de la Seine Musicale est nettement plus large, mais la production est exactement la même. On retrouve ces fameux escaliers de secours typiques de Manhattan, les photos noir et blanc projeté sur le fond, sauf lors des (nombreux) morceaux chorégraphiés, où le cyclorama se pare d’une couleur unie, pour mieux laisser admirer les mouvements des danseurs, dont le corps se reflète sur le sol luisant. Quelques accessoires suffisent à situer un peu plus précisément l’action lorsque l’on passe d’un lieu à un autre. Les costumes aident à bien distinguer les Jets (camaïeu de bleu, gris et beige) des Sharks (rouge, rose et violet). Pour le reste, l’équipe artistique revendique sa fidélité à la chorégraphie originale de Jerome Robbins, remontée par Joey McKneely : ladite fidélité est surveillée de très près par le Robbins Rights Trust, qui contrôle que les mouvements sont respectés dans le moindre détail.
© Nilz Boehme
En revanche, la distribution est entièrement renouvelée, sans aucun survivant de l’édition 2013. Tous ont le physique de leur rôle, tous dansent avec l’aisance d’artistes dûment formés à cette rude école. Toutes les voix sont sonorisées, bien sûr, mais on relèvera néanmoins les quelques nasalités qui entachent parfois la prestation de Kevin Hack en Tony. Nathalie Ballenger, elle, n’est pas spécialisée dans le music-hall – elle a notamment interprété le rôle de Blanche de la Force – et l’on entend bien que son émission a quelque chose de clairement « opératique », avec un léger vibrato et des aigus plus nourris. En fosse, sous la baguette de John Yun qui se substitue momentanément à Donald Chan, une vingtaine d’instrumentistes, ce qui est parfois un peu léger, non en termes de volume puisque, là aussi, la sonorisation fait le nécessaire, mais en termes de couleurs : trois violons, même amplifiés, c’est maigre, par rapport à ce que produirait un grand orchestre.
Et c’est là qu’on se pose la question : un West Side Story aussi proche que possible du spectacle original, donné en version sonorisée (et à un rythme soutenu : un seul soir de relâche par semaine, et deux représentations le samedi), c’est très bien. Mais pourquoi Paris ne pourrait-il pas avoir un jour un West Side Story avec de vraies voix sans micro, et dans une mise en scène nouvelle ? Cecilia Bartoli l’a fait à Salzbourg, donc c’est possible…