Le seul nom de Vivaldi, servi par des interprètes familiers d’Ambronay, aura suffi à mobiliser le public le plus nombreux. Il est vrai que la réputation de l’ensemble Ghislieri, spécialisé dans le répertoire baroque, a dépassé de longue date Pavie, qui l’a vu naître, pour gagner la plupart des centres de musique ancienne. Le concert sera retransmis par France-Musique.
Le programme s’ouvre sur une création de la compositrice, Caroline Marçot, commande du Centre culturel de rencontre d’Ambronay, intitulée Jungo. Spécialiste de la voix, elle-même chanteuse depuis son enfance, elle signe ici une partition où le chœur est accompagné d’un ensemble restreint. Composé de brèves séquences juxtaposées, l’ouvrage fait appel de façon continue aux quatre voix du chœur. De la basse très tonale sur laquelle évoluent les parties, qui s’émancipent progressivement, les textures se régénèrent, d’une homophonie tendue à des lignes complexes. Ni association, ni dédoublement, nulle polychoralité, on attendait une forme d’hommage à Vivaldi, hypothèse démentie par l’écoute. La notice du programme n’éclaire pas notre lanterne… Les pupitres sont solides, les voix bien timbrées, homogènes, ce qui se confirmera ensuite.
Paola Valentina Molinari, Marta Redaelli, sopranos, et Giulio Prandi © Bertrand Pichène
Dès le Dixit Dominus, Giulio Prandi impose une vie intense à la musique. Sobre, efficace, souple comme incisive, précise, la direction sculpte le son, impose les contrastes, construit les progressions, toujours à l’écoute des solistes. Le premier à intervenir est Filippo Mineccia, dans le « Donec ponam inimicos tuos » . Les couleurs, la qualité de l’émission, le soutien imposent son chant, et toutes ses interventions seront d’un égal bonheur, particulièrement dans le motet « Vos invito, barbare faces » où les cordes lui tissent un séduisant écrin. L’Alleluia exulte, pris dans un tempo très rapide, dont le soliste se joue manifestement. L’autre héros de la soirée sera Valerio Contaldo, dont le chant est dans toutes les oreilles des amoureux de musique baroque. Associé à Massimo Lombardi, ténor non moins remarquable, ils apparaissent dans le « Tecum principium » du Dixit Dominus, avant que le premier nous offre, seul, un splendide « Dominus a dextris tuis », dont les traits agiles sont admirables, évidents. On ne mentionnera les ensembles que pour en souligner l’excellence. Les équilibres, la parfaite articulation de chacun et de tous forcent l’admiration. Ceux du Confitebor (RV 596) qui réunissent le plus fréquemment Filippo Minacci et Valerio Contaldo, auxquels s’ajoute souvent la basse sont d’un égal bonheur, avec leurs caractères très changeants.
Les trois autres solistes, issus du chœur, assument honorablement leur rôle, sans toutefois égaler les qualités rares des précédents. Le chœur, à quatre par partie, n’appelle que des éloges, pleinement investi et familier de la direction de son chef. Les nuances les plus subtiles, les accents, les progressions sont magistralement restitués, assortis d’une articulation exemplaire.
Le Magnificat (RV 610a) qui conclut, plein, sensible, à l’occasion douloureux, puissant et animé atteint l’excellence. Les redoutables unissons du « Deposuit Israel » sont admirables de cohésion, de précision et d’engagement. L’orchestre, essentiel, sonne de la façon la plus séduisante, de la trompette au positif, en n’oubliant pas les hautbois, le basson, le théorbe ni les cordes. Une belle soirée.
Les incessantes acclamation d’un public enthousiaste et ses nombreux rappels lui valent un bis approprié : le célèbre Gloria en ré majeur (RV 589), plus réjouissant que jamais.