Chaque semaine, dans le contexte de la crise liée au coronavirus, le Festival Verbier propose un concert en streaming dans une série baptisée Quarantine concerts, aux côtés d’autres rediffusions et contenus disponibles en ligne. Cette semaine, nous était proposé un récital autour de la musique française de la deuxième moitié du XIXe siècle.
Disponible en streaming direct, mais effectué en présence d’un public restreint paré de masques et respectant les gestes barrières, le récital s’est tenu dans un charmant atelier du 11e arrondissement, propice à un revival pittoresque de la musique française fin de siècle. La programmation proposée est très riche, et sa diversité permet d’éviter toute redondance, de Poulenc à Gounod en passant par Massenet et Hahn. L’intensité va d’ailleurs crescendo, progressant avec des morceaux de plus en plus techniques et théâtralement exigeants, de la mélodie jusqu’au morceau de bravoure d’opéra de haute voltige. La cohérence reste totale malgré tout, de par les échos qui se tissent entre ces morceaux français que peu de temps, somme toute, sépare.
© DR
La soprano franco-italienne Jeanne Gérard propose une performance bluffante. L’aisance technique est évidente. La maîtrise des effets est impressionnante, passant d’une voix pleine aux aigus pianissimi avec une élégante facilité (O Dieu… Ah ! Je ris), et alternant la douceur de velours (Violon) et la rugosité de la nostalgie (Tristesse). La mélancolie de certaines partitions (C) est parfaitement restituéee, et certains morceaux en ressortent bouleversants (Elégie). Soutenue par un vibrato équilibré, la voix sait se faire extrêmement puissante si nécessaire, et déploie à chaque instant sa grande générosité, prenant des accents cuivrés qui lui confèrent toute sa beauté et son originalité. La diction est plus qu’impeccable car elle est théâtralement travaillée, chaque mot ressortant caractérisé en profondeur par une intention particulière. Ces effets sont renforcés par un jeu théâtral très juste, dont on devine l’étendue palette, passant de la coquetterie de Manon (Je suis encore toute étourdie) à la folie d’Ophélie (A vos jeux, mes amis… Partagez-vous mes fleurs).
Au piano, Paul Montag offre une performance virtuose. Envoûtantes, son énergie et sa délicatesse n’ont d’égales que sa maîtrise technique, particulièrement dans les morceaux de piano seul qui révèlent l’étendue de son talent, notamment lors de la Paraphrase sur la valse de Faust. Sa maîtrise des ruptures de ton et son sens de la nuance nous font frissonner plus d’une fois. Son Jardin sous la pluie avait toute la somptuosité et la tendresse escomptée. La grâce de son doigté et le charme de sa musicalité ensorcèlent. Au total, le duo fonctionne à merveille, juxtaposant ces deux sensibilités oniriques dotées d’une rigueur technique sans faille.
Le concert est encore visible ici pour quelques jours, foncez !