Olivier Martin-Salvan, Anne Reulet-Simon, Nicolas Vial
Ô Carmen
Opéra Clownesque
Production L’Incroyable compagnie, coproduction Théâtre de l’Ouest Parisien Boulogne-Billancourt, Théâtre du Rond-Point, La Comète/ Scène Nationale de Châlon en Champagne, Tsen Productions.
Co-écriture, Olivier Martin-Salvan, Anne Reulet-Simon, Nicolas Vial
Mise en scène, Nicolas Vial
Dramaturgie, Anne Reulet-Simon
Avec Olivier Martin-Salvan
Musique, Georges Bizet
Composition originale, piano, chef de chant, Aurélien Richard
Costumière, Florence Laforge
Eclairagiste, Pierre Peyronnet
Au théâtre du Rond-point à 18h30 jusqu’au 28 février 2009.
Paris, le 4 février 2009,
Une satire hilarante du monde lyrique.
Ô Carmen, opéra clownesque… le titre laisse songeur. Sous le chapiteau de bois du Théâtre du Rond-Point, assis dans le noir de la petite salle Jean Tardieu, le spectateur se demande à quel numéro de piste il va assister. Résonne alors une « Habanera » fredonnée à bouche fermée par une voix d’homme. Le titre n’était en réalité qu’une plaisanterie de clown : Ô Carmen n’est pas un opéra mais un numéro musical qui parle d’opéra. L’intrigue est la suivante : à l’issue d’une audition, Louis, un jeune ténor, se voit offrir le rôle de la doublure de Don José. Le spectateur est alors convié aux différentes étapes de la création de l’opéra et fait la connaissance de personnalités fantasques.
La performance d’Olivier Martin-Salvan, seul comédien en scène, est excellente. Chanteur, clown et imitateur, il incarne tour à tour tous les protagonistes de ce spectacle burlesque : un professeur de chant déjanté, un metteur en scène sans autorité, un chef d’orchestre aux airs de diva, un jeune chanteur oublié dans une fosse à doublures, un Don José complètement demeuré, une Carmen virago… En un seul geste, en une seule phrase, Olivier Martin-Salvan a le don de faire vivre un personnage. Quelques unes de ses pantomimes sont véritablement désopilantes comme celle, très rock’n roll, de l’exultation intérieure de Louis lorsqu’il apprend qu’il va réellement interpréter le premier rôle. Si le milieu lyrique en prend quelque peu pour son grade, c’est aussi avec tendresse qu’Olivier Martin-Salvan brosse le portrait des personnages. La scène de l’insomnie de la soprano mièvre qui joue Michaëla est touchante. Clown triste de l’histoire, elle incarne la fragilité et la solitude des chanteurs.
Au piano, Aurélien Richard accompagne le comédien avec talent. Même si Carmen n’est qu’un prétexte, la musique de Bizet est omniprésente. Elle illustre le jeu de l’acteur : sur l’Allegro giocoso du prélude, la doublure de Don José se perd dans le dédale des couloirs de l’opéra. La musique sert également de contrepoint musical au jeu : durant les intermèdes, les compositions originales d’Aurélien Richard s’inspirent avec brio des airs de Bizet. Il retranscrit aussi à merveille les sons qui proviennent de la fosse d’orchestre juste avant le lever du rideau. Le pianiste et le comédien sont habillés de façon identique, un bleu de travail censé évoquer une tenue d’artisan. Le procédé a le mérite de mettre sur un pied d’égalité, musique et paroles, peut-être un clin d’œil au débat qui a longtemps animé l’histoire de l’opéra.
L’équipe artistique connaît visiblement son sujet : Aurélien Richard a été chef de chant à l’Opéra de Paris ; Olivier Martin-Salvan travaille sa voix de ténor lyrique ; Nicolas Vial, co-auteur et metteur en scène, a déjà monté deux parodies d’opéra. Seule Anne Reulet-Simon, co-auteur et dramaturge, n’est pas, de son propre aveu, une passionnée d’opéra. Mais son regard détaché et sceptique contribue à la justesse de l’ensemble. Car le vrai mérite de Ô Carmen tient au fait que le spectacle plaira à tous : à ceux qui détestent l’opéra, aux aficionados, aux professionnels du milieu et aux néophytes. La raison d’être du clown n’est-elle pas de faire rire le plus grand nombre ?
Diane Raillard.