L’Opéra de Fribourg nous propose cette année La Finta Giardiniera de Mozart, oeuvre de jeunesse, mais que Jean-Victor Hocquard voyait comme un coup de maître. Ce dramma giocoso (genre à mi chemin entre le seria et le buffa) conserve une structure assez traditionnelle, bien que parsemée d’innovations et d’essais assez brillants, qui laissent entrevoir le futur compositeur des Nozze di Figaro. Malgré tout, cet opéra nous parait nécessiter plus que d’autres une approche convaincante ou des chanteurs de première classe pour ne pas sombrer dans la léthargie. Le pari de le faire revivre est-il réussi ?
Ce n’est pas la mise en scène qui empêchera l’ennui de s’installer. Gisèle Sallin et Jean-Claude de Bemels, s’inspirant de la peinture de Fragonard, proposent quelque chose d’assez beau (si l’on passe sur le faux marbre à l’aspect plastique et les «arbres-brosses»), mais de terriblement statique. Certes, on peut se demander si le drame en lui-même permet quelque chose de plus inventif, mais le fait est qu’après une vingtaine de minutes, on se rend compte que la mise en scène se limite, en gros, à quelques postures répétées durant les trois heures et quelques du spectacle. Peut-être est-ce proche de la mise en scène originale? Toujours est-il que, bien que charmant, cela ne va pas bien loin, et ne tient pas la durée.
Le plateau vocal est d’une veine similaire, assez homogène, sans faire beaucoup d’étincelles. Brigitte Balleys (Ramiro) n’est plus que l’ombre d’elle-même, tentant des effets qui ne masquent que difficilement la voix émiettée et l’essoufflement dont elle est victime, gâchant en particulier son deuxième air, probablement un des plus beaux de la partition. Jean-Francis Monvoisin (Podestà), précédemment Luigi dans Il Tabarro sur cette même scène, campe son personnage d’une voix solide et puissante, qui convient bien à ce rôle. Avi Klemberg (Belfiore) est un ténor assez charmant, aux aigus de temps à autre un peu poussifs, qui nous aura paru globalement assez fade. La Serpetta d’Inès Schaffer est correctement interprétée, en dépit de graves manquant de corps. On sourit aux mimiques de René Perler (Nardino) qui paraissent pourtant un peu décalées du point de vue scénique. On relèvera toutefois les deux belles prestations de Bénédicte Tauran et Diana Petrova, qui se distinguent clairement comme les grandes réussites de cette production. La première nous offre une voix belle, bien accrochée, au timbre riche et aux attaques précises: ses entrées sont à chaque fois un vrai bonheur et redonnent vie au spectacle. La seconde, malgré une projection un peu faible, révèle une voix profondément touchante et une magnifique musicalité.
L’orchestre OPUS de Berne nous gratifie d’une prestation globalement correcte: on déplore toutefois le manque de précision des cordes, défaut qui se répète au fil des productions de l’Opéra de Fribourg. La direction de Laurent Gendre, qui aura su à chaque instant et avec brio faire ressortir les accents et les nuances de cette partition, mérite en revanche les plus vifs éloges.
Le choix de l’Opéra de Fribourg de privilégier les oeuvres peu jouées est une bonne option, évitant de faire en double ce que d’autres maisons, budget oblige, font mieux. Cela permet en outre de belles découvertes et des spectacles originaux. Pourtant, force est de constater que ce qui nous a été présenté cette année n’est pas à proprement parler une réussite. Le spectacle fonctionne, mais rien de plus.