Forum Opéra

Starke Frauen — Bad Wildbad

Partager sur :
Partager sur facebook
Partager sur twitter
Partager sur linkedin
Partager sur pinterest
Partager sur whatsapp
Partager sur email
Partager sur print
Spectacle
17 juillet 2021
Des âmes fortes

Note ForumOpera.com

3

Infos sur l’œuvre

Gioachino Rossini (1792-1868)

Giovanna d’Arco , cantate pour contralto et piano, (1832-1857 ?)

Orchestration de Marco Taralli, éditions Sconfinarte.

Giovanni Simone Mayr (1763-1845)

Ero , cantate profane pour mezosoprano et orchestre (1793)

Restitution par Maria Chiara Bertieri

Joseph Haydn (1732-1809)

« Berenice, che fai » (1795)

Cantate pour soprano et orchestre Hob. XXIVa:10

Dodlingers reihe Alter Musik

Reconstitution de H.C. Robbins Landon

Symphonie N° 104 in D-Dur (1795)

Hob. i:104 ( Londoner Sinfonie N°12)

I. Adagio – Allegro

II. Andante

III. Menuet et trio : allegro

IV. Finale spiritoso

Barenreiter urtext. Hrsg von Hubert Unverricht

Détails

Diana Haller

Orchestre philharmonique de Cracovie

Directeur : Alexander Humala

Direction musicale

Antonino Fogliani

Bad Wildbad, le 14 juillet 2021 à 19h45

Envers et contre tout, la nouvelle édition du Festival Rossini de Bad Wildbad a vu le jour. Elle commence pour nous par ce récital de la cantatrice Diana Haller. L’intitulé du concert, Femmes fortes, est-il pertinent ? Les héroïnes des trois cantates regroupées pour composer ce programme sont bouleversées par une crise qui en détruira deux. Oublions donc cet artifice de présentation pour comprendre ce qui fait l’intérêt de cette réunion, car comme toujours à Bad Wildbad, le choix des œuvres est en lien avec une intention pédagogique. A l’invitation de Reto Müller, Président de la Société Rossini d’Allemagne, Marco Beghelli l’expose dans un texte limpide. Ces trois compositions, dont la plus ancienne date de 1793 et la plus récente très probablement de 1851, relèvent d’un même genre musical, celui de « la gran scena », la grande scène. L’expression désigne un ensemble où se succèdent un récitatif, un air, un second récitatif et un autre air, qui a fait dire à Robbins Landon, le grand spécialiste de Haydn, que ce type de composition infuse la cantate italienne dans la forme sonate à la viennoise. Les récitatifs exposent les affres sentimentales et les airs leurs conséquences émotionnelles et dramatiques, dans toute la gamme de la palette et avec toutes les richesses de la technique vocale que maîtrise la cantatrice.

Ces cantates renouvellent donc, au bénéfice de leurs interprètes, l’intérêt des concerts où elles enchaînaient des airs rebattus. Chacune a sa destinataire. Celle de Mayr est à l’intention de Bianca Sacchetti, une orpheline élevée à l’Ospedale dei Mendicanti de Venise. Celle de Haydn est expressément adressée à la Signora Banti, qui la créa à Londres sous la direction du compositeur. Quant à Olympe Pélissier on peut douter qu’elle ait jamais chanté Giovanna d’Arco mais elle était bien pour Rossini celle qui l’avait sauvé, comme Jeanne avait sauvé la France. Dans quel ordre les présenter ? Dans un festival dédié à Rossini, sa cantate devrait couronner la soirée. Or elle est placée en ouverture. Pourquoi ? Parce que les deux autres cantates sont écrites pour mezzosoprano – celle de Mayr – et pour soprano dramatique, celle de Haydn. Pour l’interprète unique qui relève la gageure cette succession est la plus favorable à sa vocalité.

Diana Haller, dont le Tancredi de 2019 nous avait impressionné et ému, relève le défi. Elle est d’abord la vierge guerrière que Mariette Alboni incarna dans le salon de Rossini en 1859. Il ne lui faut guère de temps pour subjuguer, tant l’homogénéité de la voix, le naturel des graves et l’immersion dans le personnage répondent aux attentes. On connaît déjà l’orchestration conçue par Marco Taralli grâce au disque Naxos paru il y a quelques années. Elle n’a aucun secret pour Antonino Fogliani, qui dirigeait cet enregistrement, et les musiciens de l’Orchestre Philharmonique de Cracovie, désormais partenaires depuis trois ans du festival de Bad Wildbad, l’ont assimilée. Diana Haller fait siennes la méditation de Jeanne, son évocation empreinte de douceur des lieux de son enfance, et par suite de sa mère, sujet du premier air et motif d’épanchements ornés ; mais dans le silence nocturne la pensée de la mort au combat s’impose, suscitant une détermination qui s’exprime dans une surenchère d’ornementations.

La voici préparée à aborder le rôle d’Ero, la prêtresse d’Aphrodite qui vient de rallumer le flambeau destiné à servir de repère à Leandro, l’amant qui traverse chaque nuit à la nage le détroit de l’Hellespont pour la retrouver. Comme elle est impatiente, comme elle désire sa présence et son étreinte ! Mais un orage éclate, le flambeau s’éteint, Leandro s’épuise et meurt noyé. Désespérée, Ero se jette dans la mer du haut de la tour. Redécouverte il y a deux ans par Paolo Fabbri dans le fonds d’archives de Giovanni Simone Mayr de Bergame et restituée par Maria Chiara Bertieri, voici donc la première mondiale d’une exécution moderne de cette cantate. Giuseppe Foppa, qui sera plus tard librettiste de Rossini, prête au personnage une sensualité brûlante qui rend plausible la décision d’en finir et le passage à l’acte. L’orchestration, légère comme dans les premières symphonies de Haydn et de Mozart, se prive de flûte et de clarinette mais s’orne d’une harpe pour accompagner le premier air, évocation des plaisirs passés. Le deuxième est haché, reflet des émotions successives et excessives, prétexte à une démonstration du type « air de bravoure ». Celle de Diana Haller s’affirme à nouveau.

Donnée après l’entracte, la dernière cantate, celle de Haydn, sera-t-elle la pierre d’achoppement ? Sa destinataire était un soprano dramatique, ce qui requiert une extension claire dans l’aigu. Sur un texte de Metastasio, extrait de sa tragédie Antigono la princesse Bérénice expose son dilemme : céder à l’amour qu’elle ressent pour Demetrio ou faire son devoir en épousant Antigono comme prévu ? Demetrio, dont Antigono est le père, songe au suicide pour ne pas gêner les projets de son géniteur. Alors, se dit Bérénice, si la mort était la solution ? Haydn, qui a 63 ans au moment de la composition, fait de l’orchestre le moteur de l’action : il n’accompagne pas la voix, il la guide. Beethoven se souviendra de cette cantate lorsqu’il écrira l’air de concert « Ah l Perfido ». Entre langueurs et véhémence, le drame s’inscrit dans la voix de Diane Haller avec l’évidence, la conviction et l’éclat qui emportent l’adhésion.

En complément de ce programme, la symphonie n° 104 que Haydn composa à Londres au même moment que cette cantate. Antonino Fogliani semble oublier, tant sa direction est tout ensemble énergique et légère, les séquelles de la chute qui l’obligent à porter un plâtre avant une intervention chirurgicale. Il modèle l’andante pour en faire sourdre la douceur, comme un sourire rétrospectif, tandis qu’il fait du mouvement final, après l’intermède dansé d’une grâce élégante, un lancer de balles qui a l’effervescence joyeuse d’une jonglerie virtuose. L’assistance, qui a bravé le froid et l’humidité de la grange convertie en salle de concert, se déchaîne alors, et on s’y associe, car les conditions que nous souffrions, les artistes les avaient supportées, pour notre plaisir. Des femmes fortes ? Bien plutôt, pour faire si bien leur métier dans d’aussi rudes conditions, des âmes fortes ! Grâces leur soient rendues !

 

Commentaires

VOUS AIMEZ NOUS LIRE… SOUTENEZ-NOUS

Vous pouvez nous aider à garder un contenu de qualité et à nous développer. Partagez notre site et n’hésitez pas à faire un don.
Quel que soit le montant que vous donnez, nous vous remercions énormément et nous considérons cela comme un réel encouragement à poursuivre notre démarche.

Note ForumOpera.com

3

Note des lecteurs

()

Votre note

/5 ( avis)

Aucun vote actuellement

Infos sur l’œuvre

Gioachino Rossini (1792-1868)

Giovanna d’Arco , cantate pour contralto et piano, (1832-1857 ?)

Orchestration de Marco Taralli, éditions Sconfinarte.

Giovanni Simone Mayr (1763-1845)

Ero , cantate profane pour mezosoprano et orchestre (1793)

Restitution par Maria Chiara Bertieri

Joseph Haydn (1732-1809)

« Berenice, che fai » (1795)

Cantate pour soprano et orchestre Hob. XXIVa:10

Dodlingers reihe Alter Musik

Reconstitution de H.C. Robbins Landon

Symphonie N° 104 in D-Dur (1795)

Hob. i:104 ( Londoner Sinfonie N°12)

I. Adagio – Allegro

II. Andante

III. Menuet et trio : allegro

IV. Finale spiritoso

Barenreiter urtext. Hrsg von Hubert Unverricht

Détails

Diana Haller

Orchestre philharmonique de Cracovie

Directeur : Alexander Humala

Direction musicale

Antonino Fogliani

Bad Wildbad, le 14 juillet 2021 à 19h45

Nos derniers podcasts

Nos derniers swags

This be her Verse, par Golda Schultz et Jonathan Ware

La parole aux femmes
CDSWAG

Le Bourgeois Gentilhomme

Un gentilhomme en fête
CDSWAG

Debussy La Damoiselle élue

Lignes claires
CDSWAG

Les dernières interviews

Stanislas de Barbeyrac : « Il y aura peut-être un jour Tristan, si je suis sage »

Interview

Questionnaire de Proust – Sophie Koch : « Christian Thielemann compte beaucoup pour moi »

Interview

Sophie Koch : « Aborder Isolde, c’est être devant l’Everest »

Interview

Les derniers dossiers

Questionnaire de Proust

Dossier

Les grands entretiens de Charles Sigel

Dossier

Philippe Boesmans (1936 – 2022)

Dossier

Zapping

Vous pourriez être intéressé par :

Die Frau ohne Schatten – Baden-Baden

Le rêve de l’enfant
Kirill PETRENKO, Elza VAN DEN HEEVER
Spectacle

Test je peux pas publier 2 mais après oui

Spectacle

Test Editeur modifier sans relecture nécessaire

Spectacle

INSTANT LYRIQUE Alexandre Marcellier, Marie-Andrée Bouchard-Lesieur — Paris (Opéra Comique)

Les servantes écarlates
Marie-Andrée BOUCHARD-LESIEUR, Yoan BRAKHA, Alexandra MARCELLIER
Spectacle