Le Stabat Mater de Rossini mis en scène ? Voilà une drôle d’idée, surtout dans une salle omnisports dans la banlieue de Pesaro ! Restait à savoir s’il agissait d’une idée lumineuse ou d’un fourvoiement.
Massimo Gasparon (collaborateur de longue date de Pizzi, et cela se voit !) reconstitue la scène de la Crucifixion, de la montée à la croix à la déposition du corps du Christ, en passant par le coup de lance dans le flanc. Au pied de cette croix, Marie (une actrice muette) souffre : « Stabat Mater dolorosa / La Mère se tenait là, douloureuse ». Les solistes et le chœur sont les témoins de cette désolation, chantant les mots attribuées à Jacopone da Todi.
Le metteur en scène compose, sur la base du dispositif scénique utilisé la veille pour Moïse et Pharaon, des images que l’on croirait tout droit sorties d’un tableau du Caravage, avec son ciel gris torturé sur lequel se détachent les costumes aux couleurs saturées (vert et or pour la basse, bleu azur pour le ténor, bleu plus soutenu pour la soprano 2 et carmin pour la soprano 1).
Vasilisa Berzhanskaya, Giuliana Gianfaldoni © ROF / Studio Amati Bacciardi
Ces scènes ne parasitent jamais l’attention et participent au sentiment de recueillement qui baigne la Vitrifigo Arena. Même le « Cujus animam », qui prend parfois des airs de foire, délivre ici tout son sens doloriste. Grâce en soit rendue à Rusil Gatin, dont le ténor clair sait tour à tour se parer de mezza voce recueillies et d’aigus acérés. A ses côtés, sa compatriote Vasilisa Berzhanskaya renouvelle la très forte impression qu’elle avait faite la veille en Sinaide dans Moise et Pharaon : sa voix de mezzo pleine et longue fait ici encore merveille dans la cavatina « Fac ut portem Christi mortem ». La jeune basse Riccardo Fassi, plutôt sonore et à la ligne de chant châtiée, ne dépare pas dans ce tableau.
Tout n’est pas pour autant parfait. Pourquoi avoir distribué le Soprano 1 à Giuliana Gianfaldoni ? Si ses couleurs se distinguent bien du mezzo sombre de Vasilisa Berzhanskaya, on a dans l’oreille des voix plus corsées, plus puissantes, en un mot plus impressionnantes dans cette partie exigeante. L’« Inflammatus », qui a dû terrifier l’auditoire à la création, reste ici bien anodin. Sa responsabilité est partagée avec Jader Bignamini, à la tête de la Filarmonica Gioachino Rossini : si l’orchestre est bien en place, on regrette souvent un manque de souffle, d’ampleur voire de violence qui auraient dû faire s’embraser l’« Inflammatus » et le «Amen final ».
La préparation du Coro del Teatro Ventidio Basso ne souffre pas la critique, que ce soit au niveau de la précision ou des équilibres. Pourtant, est-ce du fait d’effectifs trop restreints ou de la configuration de la salle, on rêverait ici encore de plus d’ampleur.