On aurait pu craindre un de ces concerts de gala glamours mais un peu artificiels, programmés à la gloire d’une diva, Sonya Yoncheva en l’occurrence, dirigée ce soir par son époux, Domingo Hindoyan.
Or il n’en est rien et ce Stabat Mater de Rossini, fervent, nous emporte : la grande salle Pierre Boulez de la Philharmonie n’est certes pas un lieu de culte (encore que l’œuvre n’ait pas été créée dans une église !) mais il y a du recueillement ce soir, dans l’attitude sobre et concentrée des solistes mais aussi dans leur chant.
Le jeune chef suisso-vénézuélien, à la tête d’un Orchestre de chambre de Paris en grande forme, trouve également un bon dosage entre le religieux et l’opéra : on a ainsi connu des flammes éternelles aux cuivres plus crucifiants et des contrastes plus vertigineux dans le Finale, mais il sait créer une tension et trouve une certaine unité dans une partition pourtant hétéroclite.
On retrouve cet équilibre chez les solistes : aucun ne tente de tirer la couverture à lui, assurant ainsi une belle homogénéité dans les Quartetti.
Les deux interprètes féminines pourraient pourtant être difficilement plus dissemblables : à l’opulence de la soprano bulgare répond le mezzo compact et légèrement astringent de Chiara Amarù. Sonya Yoncheva ne fait qu’une bouchée de l’« Inflammatus », par l’autorité et la puissance d’une voix qui surnage sans peine du maelstrom sonore. Surtout, la voix épanouie et enveloppante semble couler sans effort, faisant oublier sans peine quelques coloratures un peu chahutées. La mezzo italienne, moins sonore, brille, elle, par sa technique souveraine (et en particulier une longueur de souffle peu commune) et démontre sa maîtrise du vocabulaire rossinien dans sa cavatine. La conjonction de ces deux voix qui ont a priori si peu en commun révèle de façon surprenante une belle alchimie.
Celso Albelo a bien évolué depuis son Stabat Mater à Pesaro en 2008, et pour le mieux ! La voix claire, bien projetée, ne force pas pour se faire entendre (hormis quelques aigus un peu durs). On apprécie surtout son effort dans l’interprétation, avec la reprise du « Cujus animam » mezza voce d’une belle humanité. C’est cette même compassion qui transparait des interventions de Roberto Tagliavini : si elle semble parfois gênée dans l’extrême grave, la basse nous transporte par un chant d’une grande élégance et un investissement transcendants, en particulier dans son dialogue avec le chœur a cappella.
Enfin, il ne faudrait pas oublier l’un des grands artisans de la réussite de la soirée, qui est sans conteste le Chœur de Radio France. Dès ses premières interventions, il séduit par la netteté des attaques, l’équilibre des pupitres. Capable de piani éthérés, il révèle toute sa puissance dans l’« Inflammatus » et le Finale, mais sans agressivité ni confusion aucune.