Forum Opéra

Il Giustino — Paris (TCE)

Partager sur :
Partager sur facebook
Partager sur twitter
Partager sur linkedin
Partager sur pinterest
Partager sur whatsapp
Partager sur email
Partager sur print
Spectacle
24 février 2012
Sauvé par l’entracte

Note ForumOpera.com

2

Infos sur l’œuvre

Détails

Antonio VIVALDI Il Giustino Opéra en trois acte, livret de Nicolò Beregan adapté par Pietro Pariati Créé à Rome, Teatro Capranica, pour le Carnaval 1724 Anastasio Ileana Mateescu Arianna Maria Grazia Schiavo Giustino Marina De Liso Leocasta Sabina Puértolas Vitaliano Ed Lyon Andronico Varduhi Abrahamyan Amanzio, La Fortuna Lucia Cirillo Polidarte, Voce di Vitaliano Seniore Vincent Lesage I Virtuosi delle Muse Jonathan Guyonnet, premier violon Direction musicale Stefano Molardi Théâtre des Champs Elysées, Paris, vendredi 24 février, 20h

 

En cette période de vacances scolaires, le Théâtre des Champs Elysées ne fait pas vraiment le plein :  peut-être était-il risqué de confier à une formation baroque qui ne compte pas parmi les plus célèbres et à une distribution sans véritable star ce Vivaldi de jeunesse au livret plus qu’extravagant, avec intervention d’un spectre et d’une dea ex machina, où enlèvements et travestissements viennent encore compliquer une intrigue déjà bien assez embrouillée. Et si l’entracte ne nous avait pas assez opportunément permis de troquer une place au premier balcon pour un fauteuil d’orchestre, l’affaire aurait pu être assez vite expédiée. De fait, la première partie aurait mérité une note sévère : cordes trop souvent en délicatesse avec la justesse, flûtes nous gratifiant de couacs retentissants, et brochette de chanteurs dont, pour plusieurs d’entre eux, les graves ne montaient pas jusqu’aux étages supérieurs.

 

Enfin l’entracte vint, qui permit de revoir notre jugement de fond en comble. Une fois au parterre, plus besoin de tendre l’oreille pour capter les nuances de la direction alerte de Stefano Molardi : l’orchestre de Vivaldi se révèle chatoyant, varié, nerveux. Le pupitre des cordes reste un peu difficile à accepter par instants, mais au moins peut-on profiter pleinement de l’excellent continuo de l’ensemble I Virtuosi delle Muse, et notamment de la complicité unissant le gambiste et le théorbiste, tous deux très en verve. L’intervention du psaltérion constitue un moment de grâce, pour le très bel air de Giustino concluant le deuxième acte, « Ho nel petto un cor si forte ». La partition a fait l’objet de coupes, bien sûr, mais l’on se situe dans un juste milieu entre l’intégrale absolue enregistrée par Estevan Velardi et le charcutage livré par Alan Curtis dans leurs enregistrements respectifs, tous deux sortis en 2002.

 

Surtout, ce fauteuil d’orchestre occupé dans la deuxième partie du concert nous a donné l’occasion d’apprécier les mérites de la distribution vocale, qui se révèle mieux qu’à la hauteur. La création de Giustino ayant eu lieu à Rome, le cast était en 1724 exclusivement masculin, et majoritairement composé de castrats. Les deux ténors sont beaucoup moins bien lotis que leurs collègues : Vincent Lesage en Polidarte n’a presque rien à chanter, et même l’excellent Ed Lyon n’a droit qu’à des airs virtuoses, aux vocalises ultrarapides, sans aucun de ces moments d’émotion que Vivaldi était parfaitement capable d’offrir à ses personnages. Dans le rôle du perfide et ambitieux Amanzio, Lucia Cirillo se taille un beau succès, notamment avec son grand air « Or che cinto il crin d’alloro » ; sa voix ne manifeste pourtant pas une personnalité très affirmée. Il apparaît en revanche presque scandaleux que Varduhi Abrahamyan ait été confinée au rôle sacrifié d’Andronico (purement et simplement supprimé au disque par Curtis) : cette voix de bronze, entendue à l’Opéra de Paris dans Giulio Cesare et dans Akhmatova, méritait mieux, et peut-être aurait-elle pu se substituer avantageusement à une de ses consœurs plus généreusement traitées. Ileana Mateescu est, elle, pénalisée par un timbre assez monochrome : le matériau vocal est plus que suffisant pour son personnage, mais sa diction n’est pas assez incisive pour rendre suprêmement émouvant le grand air d’Anastasio, « Vedrò con mio diletto » – qui a attiré des interprètes aussi divers que Philippe Jaroussky ou Sonia Prina – et il lui manque cet art de ciseler les mots qui vaut un triomphe au tiercé gagnant de cette distribution.

 

Soprano aux graves nourris et aux inflexions sensuelles, Sabina Puértolas est une belle découverte (lire son interview). c’est un plaisir d’entendre dans ce répertoire une voix ferme et chaude, capable de chanter tout autre chose, elle transforme véritablement certains airs vivaldiens connus (« Sventurata navicella », et surtout « Senti l’aura »), et par l’aplomb avec lequel elle darde ses notes, elle fait de Leocasta bien plus que l’oie blanche promise par le livret. Marina De Liso prête au rôle-titre une voix puissante et noire, rompue à l’opéra baroque, et l’on espère la voir un jour dans une version scénique pour juger si son abattage convainc autant que son ramage (elle avait ce vendredi soir orné sa chevelure d’un ravissant plumage rouge). Enfin, Maria Grazia Schiavo n’a qu’un sourire à faire pour mettre le public dans sa poche : Vivaldi a réservé à Arianna quelques-uns des airs les plus séduisants de sa partition, comme l’invraisemblable « Per noi soave e belle », truffé de notes répétées, que la chanteuse hérisse d’aigus lors de la reprise aux ornements plus qu’acrobatiques. Peu avant le chœur final, un duo exceptionnellement développé entre Arianna et Anastasio conclut cet opéra qui prouve une fois de plus que Vivaldi est un compositeur lyrique à part entière. Ne manque encore que le metteur en scène de génie qui saura nous le prouver.

 

 

Commentaires

VOUS AIMEZ NOUS LIRE… SOUTENEZ-NOUS

Vous pouvez nous aider à garder un contenu de qualité et à nous développer. Partagez notre site et n’hésitez pas à faire un don.
Quel que soit le montant que vous donnez, nous vous remercions énormément et nous considérons cela comme un réel encouragement à poursuivre notre démarche.

Note ForumOpera.com

2

Note des lecteurs

()

Votre note

/5 ( avis)

Aucun vote actuellement

Infos sur l’œuvre

Détails

Antonio VIVALDI Il Giustino Opéra en trois acte, livret de Nicolò Beregan adapté par Pietro Pariati Créé à Rome, Teatro Capranica, pour le Carnaval 1724 Anastasio Ileana Mateescu Arianna Maria Grazia Schiavo Giustino Marina De Liso Leocasta Sabina Puértolas Vitaliano Ed Lyon Andronico Varduhi Abrahamyan Amanzio, La Fortuna Lucia Cirillo Polidarte, Voce di Vitaliano Seniore Vincent Lesage I Virtuosi delle Muse Jonathan Guyonnet, premier violon Direction musicale Stefano Molardi Théâtre des Champs Elysées, Paris, vendredi 24 février, 20h

Nos derniers podcasts

Nos derniers swags

This be her Verse, par Golda Schultz et Jonathan Ware

La parole aux femmes
CDSWAG

Le Bourgeois Gentilhomme

Un gentilhomme en fête
CDSWAG

Debussy La Damoiselle élue

Lignes claires
CDSWAG

Les dernières interviews

Stanislas de Barbeyrac : « Il y aura peut-être un jour Tristan, si je suis sage »

Interview

Questionnaire de Proust – Sophie Koch : « Christian Thielemann compte beaucoup pour moi »

Interview

Sophie Koch : « Aborder Isolde, c’est être devant l’Everest »

Interview

Les derniers dossiers

Questionnaire de Proust

Dossier

Les grands entretiens de Charles Sigel

Dossier

Philippe Boesmans (1936 – 2022)

Dossier

Zapping

Vous pourriez être intéressé par :

Die Frau ohne Schatten – Baden-Baden

Le rêve de l’enfant
Kirill PETRENKO, Elza VAN DEN HEEVER
Spectacle

Test je peux pas publier 2 mais après oui

Spectacle

Test Editeur modifier sans relecture nécessaire

Spectacle

INSTANT LYRIQUE Alexandre Marcellier, Marie-Andrée Bouchard-Lesieur — Paris (Opéra Comique)

Les servantes écarlates
Marie-Andrée BOUCHARD-LESIEUR, Yoan BRAKHA, Alexandra MARCELLIER
Spectacle