La Flûte Enchantée offre une multitude de pistes à explorer dans lesquelles de nombreuses productions s’enlisent. Telle n’est pas le cas de celle mise en scène par Gunther Krämer, au répertoire du Deutsche Oper depuis 1991, qui se distingue par son classicisme plutôt que par son originalité.
En accord parfait avec l’argument, féerie et symbolisme se côtoient dans des tableaux saturés de couleurs franches par un puissant éclairage. Chaque personnage revêt les caractéristiques qu’on attend de lui : la Reine de la Nuit intervient à grand renfort de draperies noires, Sarastro ,quasi-vêtu de « probité candide et de lin blanc », porte un kimono à l’instar de l’ensemble du chœur, Papageno personnifie l’innocent sur le registre du grand guignol, Tamino et Pamina sont triste et sérieux, comme auréolés de pureté et de détermination. Quelques rares références extérieures interviennent cependant – il convient de les noter : un fond de scène inspiré d’une peinture du jardin d’Eden du Douanier-Rousseau illustre le monde idéal de Sarastro ; Papageno se débarrasse de Monostatos et de ses sbires en les ensorcelant avec son carillon, à la manière du joueur de flûte de Hamelin*. Cette mise en scène sans surprise laisse peu de place à l’émotion. Elle est heureusement relevée par un accompagnement musical à la hauteur des attentes d’un public enthousiaste.
Moritz Gnann dirige l’orchestre du Deutsche Oper avec beaucoup de noblesse. L’interprétation oscille entre élégance et simplicité. Le dialogue qui s’installe notamment entre la fosse et les chanteurs est remarquable de précision.
Yosep Kang incarne un Tamino très crédible qui révèle des qualités vocales remarquables dans l’air du portrait et qui ne se démentent pas par la suite. Martina Welschenbach (Pamina) nous gratifie d’un « Ah ich fühl’s » de toute beauté. Sa voix claire et limpide sonne merveilleusement sur toute l’étendue de son registre. Hulkar Sabirova accomplit très honorablement les deux interventions de pyrotechnie vocale de la Reine de la Nuit. Les vocalises et les notes piquées sont sûres mais l’émission n’est ni assez acérée ni suffisamment puissante pour dessiner un personnage véritablement impérieux. Ses trois dames (Kim-Lilian Strebel, Annie Rosen et Dana Beth Miller) rivalisent d’intensité dans leurs interventions et parviennent à séduire sans difficulté. Ante Jerkunica, dans le rôle de Sarastro, est doté d’un grave rond et généreux jusqu’aux notes les plus basses. Son air « Ô Isis und Osiris » repris ensuite par le chœur est agrémenté de tout un décorum égyptien qui en accentue la solennité. Simon Pauly campe un Papageno théâtralement très accompli – une aubaine compte tenu de la longueur de ses récitatifs. La Papagena d’Hila Fahima est dotée d’une voix légère qui convient parfaitement à sa courte intervention. Leur duo final remarquablement interprété illustre la parfaite harmonie qui règne désormais dans l’ordre des choses au pays de La Flûte enchantée…
* Légende rapportée par les frères Grimm.
Version conseillée
Mozart: Die Zauberflöte | Wolfgang Amadeus Mozart par Sir Georg Solti