Cenerentola est une œuvre emblématique, parmi les plus jouées de Rossini après Le Barbier. On se souvient du trio exceptionnel qui, en alternance, avait fait les beaux soirs de Garnier sous Liebermann (Berganza, Von Stade ou Berbié dans la mise en scène de Lavelli). Plus récemment, Joyce Di Donato est l’une des grandes titulaires du rôle qu’elle a notamment chanté à la Scala avec Juan Diego Florès. Comment un théâtre comme celui de Massy peut-il se positionner face à ces références internationales qui se situent au plus haut niveau ?
Tout simplement en jouant sur l’honnêteté : une production sans esbroufe, solide et bien conçue. Le décor unique de Lili Kendaka est simple mais efficace : un escalier de profil surplombe une voûte à la Hubert Robert, et quelques toiles peintes de belle facture en fond de scène contribuent à préciser les lieux. Les costumes de Bruno Fatalot sont simples, même si le parti-pris du chœur d’hommes en blanc, façon Newton de Gotlib, est un peu lassante. La mise en scène d’Elsa Rooke, joliment éclairée par Laurent Castaingt, est sans grande invention ni fantaisie, mais au moins sans faute de goût ni excès non plus. C’est plutôt du côté de l’orchestre que les choses sont moins assurées : sous la direction de Dominique Rouits, avec des sonorités sèches chez les cordes, il accuse un manque de légèreté, et les attaques incertaines sont là pour rappeler que, derrière une facilité apparente, Rossini demande un rigueur totale et un nombre de répétitions conséquent.
Sur le plateau, la distribution s’articule autour d’une solide Cenerentola : Jose Maria Lo Monaco a une voix de vraie mezzo, chaude, large et puissante et sachant bien vocaliser, parfois un peu plus faible dans le médium, notamment dans les ensembles ; mais elle campe une Angelina à la fois crédible et sympathique. Le ténor Luciano Botelho a également la voix du rôle de Don Ramiro, vocalise fort bien, et évite le côté falot du personnage.
Le domaine comique de l’œuvre n’est pas oublié, sans être outré. Ceux qui ont vu Paolo Montarsolo en Don Magnifico se souviendront des excès – mais tellement drôles – qu’il développait dans ce rôle. Franck Leguérinel est beaucoup plus sage, mais avec lui on gagne en qualité vocale ce que l’on perd en veine comique. Il construit un personnage de père empêtré avec ses deux filles, assez contemporain, toujours juste et jamais dans l’excès. Et paradoxalement, c’est Giulio Mastrototaro qui s’accapare les rires en jouant d’une manière fort drôle le valet Dandini, d’habitude plus effacé. Malgré quelques écarts de justesse, le personnage – un peu caricatural – est très présent. Il en est de même pour les deux pestes Clorinda et Thisbe, qui ne tombent jamais dans la caricature à la Walt-Disney (sauf au salut final !). Voix parfaitement assorties, Olivia Doray et Amaya Dominguez nous offrent de jolis moments musicaux pimentés de la dose nécessaire de méchanceté. Enfin, Maurizio Lo Piccolo en Alidoro affirme une solide voix de basse idéale pour venir remettre de l’ordre dans des sentiments par trop exacerbés. Une production qui permet à une vaste public d’aborder Cenerentola dans les meilleures conditions.