Le 11 juillet dernier, avant la deuxième représentation de Rigoletto, à deux pas du fameux théâtre antique, à condition de braver la chaleur et d’accepter que le chant des cigales rivalise sans discontinuer avec la musique, on pouvait entendre huit brillants jeunes solistes récemment révélés par l’Adami. Dans le Cour Saint-Louis de l’ancien conservatoire d’Orange, quatre instrumentistes (violon, violoncelle, clarinette, piano) et quatre chanteurs lyriques (soprano, mezzo soprano, ténor, basse) se produisaient dans un programme attractif, bien équilibré qui permettait d’apprécier leur capacité d’expression, leur passion pour le travail en commun, et leur aisance scénique.
Ayant déjà entamé une carrière internationale, et reçu de nombreux prix, l’éblouissante violoniste Irène Duval (Adami 2015) a démontré son incroyable virtuosité aussi bien en solo qu’en duo avec le violoncelliste Bruno Philippe. Quant au clarinettiste Amaury Viduvier et au pianiste Tanguy de Williencourt, ils ont su littéralement faire chanter leurs instruments. Le premier dans un arrangement de Sarasate intitulé Carmen fantaisie, le second dans une valse de Chopin superbement nuancée.
Tanguy de Williencourt, piano et Amaury Viduvier Clarinette © Philipe Gromelle
Quatre voix lyriques prometteuses seront à suivre de près durant les prochaines saisons. À commencer par la basse Nathanaël Tavernier, issu des Jeunes voix du Rhin. Il ouvrait le récital avec une interprétation débridée de l’aria « La calunnia è un venticelo » du Barbier de Séville, avant un Don Quichotte de Jacques Ibert. Son articulation parfaite, sa voix longue capable de graves abyssaux (en particulier dans La Juive), qu’il sait alléger, son jeu d’acteur complice avec ses partenaires et son humour dans le duo « Je me sens hélas » de L’étoile de Chabrier ont démontré l’étendue de ses possibilités.
Avec son timbre caressant, le jeune ténor malgache Blaise Rantoanina — il a découvert le chant classique à l’église en participant dans son pays à La messe du couronnement de Mozart — captait d’emblée l’attention du public avec « Una furtiva lagrima » de L’elisir d’amore de Donizetti, qu’il a rendu émouvant à souhait. Son charme, sa générosité, son chant bien articulé, assez puissant ont fait merveille aussi bien l’air de Pâris « Au Mont Ida » de La Belle Hélène que le duo « Je me sens, hélas » de L’Étoile de Chabrier.
Déjà remarquée à Rouen dans le rôle titre de Didon et Enée repris au pied levé ainsi que dans La Messagère de l’Orfeo de Monteverdi à Dijon, la mezzo Eva Zaïcik s’est montrée sensuelle et fière, dans la fameuse « Séguedille » de Carmen. Sa voix chaude et son tempérament enjoué conviennent également fort bien au personnage de Pauline dans La Dame de Pique de Tchaïkovski. Ayant déjà chanté dans de nombreux festivals en France et à l’étranger, elle sera en 2017/2018 en tournée mondiale avec William Christie et Paul Agnew pour la promotion du Jardin des voix.
Reste à dire tout le bien que nous avons pensé de la soprano colorature, Pauline Texier, élégante et mutine, tant dans le très périlleux « Les oiseaux dans la charmille » des Contes d’Hoffmann dont elle a déjoué sans peine toutes les difficultés que dans le fameux air de Frau Herz « Da schlägt die Abschied Stunde », extrait du Directeur de théâtre de Mozart. Enfin, le charmant duo « Sous le dôme épais » de Lakmé qui réunissait ces deux voix féminines d’exception a été le moment de grâce de ce concert juvénile qui s’est terminé dans la liesse par l’air de La Périchole « Vous a-t-on dit souvent » chanté, dansé et joué tous ensemble !