C’est au Théâtre des Champs-Élysées que Rolando Villazón a choisi d’effectuer sa rentrée parisienne après une interruption de carrière de plusieurs mois consécutive à l’intervention qu’il a dû subir sur les cordes vocales.
À son entrée en scène, le ténor, visiblement ému, est accueilli par une ovation de plusieurs minutes de la part de ses admirateurs, venus nombreux pour l’encourager, avec l’espoir de retrouver, intacte, la voix qui leur est chère. Hélas, dès le premier air, la messe est dite. Le ténor n’est plus que l’ombre de lui-même : le timbre, qui semble couvert d’un voile sur toute la tessiture, n’a plus l’éclat d’antan et se vide progressivement de sa substance dans les aigus, atteints au prix d’efforts flagrants, et d’un amoindrissement sensible du volume. Des phrases comme « C’est là que j’ai vécu », dans La vie antérieure, privées d’impact, en font les frais.
De plus, durant toute cette partie consacrée à la mélodie française, la diction a paru bien peu intelligible et le style souvent hors de propos : Fauré n’est pas Tosti, Massenet non plus et dans ce répertoire les notes longuement tenues, les effets appuyés et les « r » roulés à l’excès ne sont pas de mise.
Les Sept chansons populaires espagnoles de de Falla nous transportent dans un tout autre univers où Villazón se montre bien plus à son affaire. Ici, diction et style sont tout à fait idoines et le ténor peut faire valoir ses qualités d’interprète en ciselant chaque mélodie avec un sens aigu du texte et un enthousiasme communicatif.
Au piano, Hélène Grimaud fait des merveilles. Elle aborde les mélodies françaises avec un toucher tout en délicatesse qui nous vaut des Duparc raffinés à l’extrême et un Fauré d’une infinie poésie. Dans le cycle de de Falla, la pianiste déploie une énergie débridée, offrant à son partenaire un accompagnement aux couleurs chatoyantes, d’une virtuosité redoutable dans une jota jubilatoire.
La seconde partie du concert est entièrement dévolue aux Amours du poète de Schumann dont Villazón propose une interprétation sobre et intériorisée en parfaite adéquation avec son accompagnatrice. La diction est tout à fait satisfaisante et le ténor maîtrise suffisamment la langue de Goethe pour rendre justice aux poèmes de Heine dont il restitue les différents affects avec une économie de moyens et une émotion à fleur de notes qui fait mouche dans des pages telles que Ich grolle nicht et plus encore dans un Hör, ich das Liedchen klingen réellement poignant. Cependant, force est de constater que la voix ne répond pas toujours aux intentions de l’artiste, et même si le médium, demeuré solide, nous vaut un Im Rhein saisissant,certaines notes dans le graves sont inaudibles et l’aigu, toujours instable, semble frôler constamment l’accident que Villazón parvient à éviter de justesse au cours du dernier Lied.
Conscient de ses limites, le ténor n’offrira pas de bis.
Un récital tout en demi-teinte, donc, qui nous montre un artiste généreux, soucieux d’offrir le meilleur de ce qu’il peut donner, malgré une voix qui se dérobe. Rolando Villazón sera de nouveau à Paris le jeudi 6 mai, salle Pleyel, avec un programme dédié cette fois à Haendel. Souhaitons-lui une meilleure santé vocale.