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Giovanna d'Arco — Rouen

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Spectacle
12 octobre 2008
Retour de flamme à Rouen

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3

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Giovanna d’Arco (Verdi, Sallaberger – Rouen)

Giuseppe Verdi (1813-1901)

Giovanna d’Arco
Opéra en un prologue et trois actes créé le 15 février 1845 au Teatro alla Scala (Milan)

Livret de Temistocle Solera

Mise en scène, scénographie : Stephan Grögler

Assistante mise en scène : Anneleen Jacobs

Scénographie, Costumes : Véronique Seymat

Entraînement théâtral solistes : Bénédicte Debilly

Lumières : Cyril Mulon

Giovanna d’Arco (Jeanne d’Arc) : Guylaine Girard

Carlo VII (Charles VII roi de France) : Jean-François Borras

Giacomo (Jacques) : Victor Torres

Talbot, commandant en chef des Anglais : Alain Herriau

Delil, officier du roi : Eric Pariche

Le Page : Yann Violette

Des gardes : Julien Charbonnier, Sébastien Diologent

Chœur et Orchestre de l’Opéra de Rouen Haute-Normandie

Direction musicale : Oswald Sallaberger

Chef de chœur : Daniel Bargier

Opéra de Rouen Haute Normandie, le 12 octobre 2008

Retour de flamme à Rouen

Hasard de calendrier, on pouvait voir deux Giovanna d’Arco en ce dimanche : une à Rouen et une autre à Parme dans le cadre du Festival Verdi(1)… Mais la coïncidence ne saurait cependant cacher l’originalité de la programmation : cet opéra de jeunesse de Verdi est très rarement représenté…

L’œuvre encore typique du Verdi première manière (il suit de quelques mois I Due Foscari) mêle inspirations belcantistes (les accords arpégés accompagnant l’aria « Sempre all’alba » de Jeanne) et thèmes populaires (la ritournelle « tu sei bella » des esprits infernaux). Si le rôle du père semble moins central et plus frustre – en un mot moins intéressant – que dans des œuvres plus tardives telles que Luisa Miller ou Rigoletto, celui de Giovanna d’Arco est une vraie réussite : Verdi dresse dans un magnifique portrait de jeune fille écartelée entre l’amour charnel (incarné par les esprits infernaux) et l’amour de Dieu (incarné par le chœur céleste). Le caractère guerrier des premières héroïnes de Verdi (Abigaille ou Lucrezia de I Due Foscari) qui se retrouve dans l’exalté « Son guerriera » est ici tempéré par une grâce certaine (le « Sempre all’alba » ou la prière « Amai, ma solo un instante ») ; cette figure féminine contrastée tient parfaitement son rang aux côtés des autres grandes héroïnes verdiennes.

Il convient de préciser que cette Jeanne d’Arc là prend bien des libertés avec la légende : ici point de bûcher mais une mort héroïque au combat, point de pucelle d’Orléans mais une jeune fille amoureuse du roi… et qui est aimée en retour(2) !  

Pour illustrer ce drame guerrier, le metteur en scène et sa décoratrice ont opté pour un dispositif scénique unique, un paysage de campagne. Cependant l’utilisation d’accessoires (un cadavre de cheval pour le champ de bataille, des drapeaux pour situer le camp du roi ou celui des anglais) mais aussi des éléments naturels, comme la pluie ou la neige, participent à la création d’atmosphères bien contrastées selon les scènes. On est en revanche moins convaincus par la présence d’animaux (chevaux, chèvres, poules…) qui n’apporte pas grand chose, voire a tendance à perturber l’attention.

Tout cela donne une suite de tableaux naturalistes plutôt esthétiques… Mais qui restent malheureusement des natures mortes du fait d’une direction d’acteur laissée en friche : Victor Torrès et Guylaine Girard surmontent comme ils peuvent cette difficulté grâce à leur expérience, mais Jean-François Borras, moins aguerri scéniquement, est visiblement bien embarrassé !

Sur le plan vocal, cependant, le ténor aura plus que compensé sa gaucherie scénique. Certes on avait été plutôt convaincu par son Duc de Mantoue l’année dernière dans ces mêmes lieux… mais aujourd’hui on est séduit par son Roi de France : la première scène « Sotto una quercia » nous transporte même, question de timbre, d’élégance du phrasé. Le reste du spectacle ne se maintiendra peut-être pas tout à fait au même niveau d’excellence, la cabalette « pondo è letal, martiro » laissant le chanteur à court de vaillance et la ligne semblant moins châtiée lors du duo avec Jeanne, mais on se souviendra de cette interprétation, placée sous le signe du style et de l’élégance.

Sa Jeanne d’Arc, la canadienne Guylaine Girard, manque un peu de séduction dans son air d’entrée, la faute à un vibratello fâcheux et des aigus légèrement tirés. Cependant, une fois les cordes vocales échauffées, ces défauts s’effacent et on peut davantage apprécier cette voix plutôt corsée qui soutient vaillamment la large tessiture du rôle et est capable d’allègements et de coloratures joliment exécutées. Il ne manque pour parfaire notre bonheur qu’une plus grande brillance du registre aigu, très sollicité par le rôle.

On ne se prononcera pas sur la performance de Victor Torrès, visiblement souffrant, et frôlant l’accident dans les aigus dans son air « Franco son io ». On notera cependant, comme pour son Rigoletto de l’année passée, que le pathétisme du père lui sied beaucoup mieux que la véhémence du traître, qui met en évidence un manque de mordant et d’autorité ; on pourra d’ailleurs se demander si le chanteur trouve ses meilleures notes dans les rôles de baryton verdien.

La direction d’Oswald Sallaberger convainc par sa vivacité et son engagement, surtout dans la seconde partie du spectacle (actes deux et trois), mais on déplorera des décalages malheureux avec les chœurs des voix célestes et des démons perchés dans des balcons de part et d’autre de la scène.

Malgré quelques pailles qui empêchent l’embrasement total de cette Jeanne sans bûcher, on ressort du spectacle avec l’envie d’y retourner… L’œuvre mérite bien mieux que le relatif oubli où elle est tombée : il faut saisir l’occasion de ces représentations rouennaises exemplaires de probité pour la redécouvrir !

Antoine Brunetto

(1) Forumopéra aura très prochainement l’occasion de reparler de la production montée dans le cadre du festival Verdi.

(2) Le livret est resserré autour de trois personnages principaux, Jeanne, son père et le Roi de France.

Le Roi Charles VII, désespéré par l’avancée des Anglais, est prêt à renoncer au trône pour sauver son peuple : la nuit venue, il dépose armure et couronne au pied d’une statue de la vierge, auprès de laquelle la jeune Jeanne s’est endormie, rêvant de faits guerriers. Jeanne est bientôt réveillée par une voix céleste qui lui promet la gloire si elle abandonne tout amour terrestre. Elle se saisit des armes du roi et court combattre les anglais. Son père, témoin de la scène, la croit ensorcelée et promet aux Anglais de leur livrer sa fille dénaturée.

Peu après, Jeanne, victorieuse, conduit le roi au couronnement à Reims ; elle est cependant troublée et tente de résister au roi qui lui déclare sa flamme. Son père survient et la dénonce comme sorcière… devant l’absence de dénégation de la part de Jeanne, ceux qui la fêtaient quelques instants auparavant se détournent d’elle et la livrent sans remords aux Anglais.

Prisonnière des Anglais, Jeanne assiste impuissante à l’encerclement de troupes du roi. Mais son père comprend enfin la pureté de ses sentiments et la libère afin qu’elle vole pour la seconde fois au secours de son souverain ; la victoire sera une fois encore au rendez-vous, mais la mort également : Jeanne, blessée mortellement s’éteint dans les bras de son père et de son amant.

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