Lorsqu’on s’attaque à un programme composé exclusivement de tubes de l’art lyrique, on prend des risques : une Violetta, un Nemorino ou Roméo et Juliette qui ne sonnent pas bien, ça ne pardonne pas.
C’est pourtant à cet exercice ô combien périlleux que la soprano Vannina Santoni et le ténor Saimir Pirgu se sont prêtés et, avant même de les entendre, le spectateur peut s’interroger sur la pertinence du programme. Au-delà de son peu d’originalité – on exceptera à cette remarque l’ouverture de Roberto Devereux –, on se demande pourquoi un air de Don Giovanni s’intercale entre deux pages de Cosi fan tutte, ou pourquoi Werther se retrouve au milieu de Roméo et Juliette. C’est un peu dommage d’avoir si peu soigné ce programme centré autour de dix chefs-d’œuvre de l’art lyrique, mais enfin, puisqu’il nous annonce des airs et duos d’amour, nous n’avons plus qu’à nous laisser charmer.
Saimir Pirgu possède sans conteste une très belle voix, chaude, avec une belle densité dans le medium à laquelle ne manquent que des consonnes plus présentes pour gagner en impact. Si « Il mio tesoro » par lequel le ténor ouvre le concert manque de nuances et de délicatesse dans les vocalises, il déploie en Nemorino et en Rodolfo une palette beaucoup plus intéressante : on le sent plus habité par ces rôles, vocalement comme scéniquement, et il donne un beau relief à ces airs. Reste cependant un défaut que l’on retrouvera tout au long de la soirée : des aigus toujours fortissimo et surtout poussés, qui dénaturent la beauté du timbre.
De son côté, Vannina Santoni réalise une performance assez inégale. Elle fait preuve, à de nombreuses reprises, de sérieux problèmes d’intonation, notamment dans le « E strano… ». Ces notes un peu hautes sont sans doute le fait d’une voix très désincarnée, qui peine à trouver un ancrage dans le corps. Heureusement, ce souci s’estompe pour Juliette et Mimi ainsi que dans les duos où la voix s’étoffe un peu.
Le couple formé à la scène par Vannina Santoni et Saimir Pirgu fonctionne en effet bien, notamment dans l’extrait de L’Elixir d’amour où le ténor joue son personnage et amène un peu d’action dans ce concert. Les autres duos d’amour sont eux aussi de belle facture et la complicité entre les deux chanteurs est évidente.
Mais la vraie bonne surprise vient de l’orchestre de l’opéra Royal de Wallonie-Liège sous la direction de Paolo Arrivabeni. On sent un chef en pleine possession des moyens de ses musiciens, et une maîtrise profonde du répertoire lyrique. Les tempos sont toujours vifs – à tel point d’ailleurs que Saimir Pirgu devra les freiner dans « Una furtiva lagrima » –, le jeu précis, et le programme fait la part belle aux violoncelles et aux vents qui se révèlent remarquables.
Ce concert avait donc des atouts évidents, mais avec des pages si célèbres les approximations sautent tout de suite à l’oreille et on reste un peu sur notre faim puisque même le bis ne parvient pas à nous surprendre : l’inénarrable « Libiamo » se fait entendre, comme chacun pouvait s’y attendre, avec ses quelques pas de valse obligés.
Une soirée sympathique sans pour autant atteindre des sommets, mais qui nous aura en tout cas fait réviser nos classiques.