La soirée s’annonçait raffinée, elle le fut. Tournant autour des poètes symbolistes, le récital de Sandrine Piau accompagnée de David Reiland à la tête de l’Orchestre de chambre de Paris faisait rayonner les feux d’un jeune 20e siècle, représenté par Ravel et Berg.
Si la soprano française s’est avant tout fait un nom dans la musique baroque, il faut constater qu’elle possède toutes les qualités vocales pour aborder le répertoire mélodiste français. Dans ses Trois poèmes de Stéphane Mallarmé, Ravel conjugue un langage harmonique qui bascule dangereusement du côté de Schoenberg, à une recherche de timbres et de couleurs propre à la production française de l’époque. Eminemment musicienne, Sandrine Piau évolue avec un naturel sans pareil dans ce paysage sonore précieux, donnant au public une leçon de projection. La voix n’est pas la plus ample, mais chaque élément du discours est façonné de telle manière à être présenté le plus clairement à son auditeur. Dans ces miniatures, le jeune chef David Reiland instaure avec une précision minutieuse les couleurs imaginées par Ravel, si bien qu’on entendrait presque le compositeur sourire à la fin du « Placet futile ».
Le choc avec le défaut d’imagination des musiciens de l’orchestre dans le Sextuor de Capriccio en est d’autant plus violent. Oublions rapidement l’intonation hasardeuse et le manque de dialogue et de relief de l’interprétation et concentrons nous sur ce qui suit.
Le choix des Sieben Frühe Lieder peut surprendre au premier abord. Si le rapport entre Ravel et Berg est assez explicite la question de la vocalité subsiste. Sandrine Piau possède-t-elle les capacités requises pour s’attaquer à une partition qui est souvent confiée à des sopranos alla Jessye Norman ou Renée Fleming ? La version proposée est celle de Reinbert de Leeuw, où l’orchestre post-romantique de Berg est concentré en un effectif de neuf musiciens. La voix de la chanteuse n’a donc plus aucun mal à passer à travers cette atmosphère allégée. Les timbres des bois, harmonium et de la voix possèdent la même transparence et pureté d’intonation, se fondant idéalement l’un dans l’autre, et même si ce n’est pas l’interprétation la plus torride que nous connaissions du cycle, Sandrine Piau en a assez sous le coude pour faire de « die Rosen aufgesprungen » un véritable moment de lyrisme. Enthousiasme compréhensible chez le public, « Die Nachtigall » sera bissé.
La Symphonie n° 29 de Mozart nous permet de mesurer enfin les qualités de chef de David Reiland. Déjà les premières mesures de l’Allegro introductif sont l’occasion pour le musicien de se régaler de la fougue d’un jeune Mozart. La direction est animée mais précise, et les membres de l’Orchestre de chambre de Paris redoublent d’attention envers les nombreux clins d’œils adressés par le chef. Mais c’est surtout dans les trois mouvements suivants qu’il nous donne pleinement à voir les bases novatrices posées par Mozart en matière d’orchestration dans cette symphonie. Un finale brillant et enlevé, aux attaques mordantes conclut la soirée avec énergie, sans perdre la finesse avec laquelle elle avait commencé.