C’est une soirée placée sous signe du charme et de l’élégance que Renée Fleming a offerte au public venu l’applaudir au Théâtre des Champs-Elysées pour son seul récital parisien de la saison. Judicieusement construit, le programme est essentiellement composé de mélodies et Lieder entre lesquels s’intercalent quelques airs d’opéras tirés de son répertoire, tous adaptés à ses moyens actuels.
Vêtue d’une somptueuse robe sombre, la cantatrice visiblement émue, est accueillie par des applaudissements nourris. Le concert s’ouvre avec six Lieder de Brahms aux affects contrastés qui permettent à la chanteuse d’exprimer une large palette de sentiments avec une diction tout à fait idoine. Au ton léger de Ständchen succède Die Mainacht sur un rythme lent qui met en valeur le legato de la soprano en même temps que sa capacité à exprimer avec émotion la solitude du personnage qui erre dans la nuit. De même qu’après les envolées lyriques de Meine Liebe ist grün, Wiegenlied est susurré avec une infinie tendresse. Tout au long de ces pages on est captivé par la richesse de cette voix, sa musicalité, sa capacité à varier les couleurs, et sa dynamique. C’est à peine si dans l’aigu, qui n’a plus son moelleux d’antan, l’usure du temps se fait sentir.
Changement de climat avec Massenet qui inaugure une série d’airs en français. Renée Fleming propose un extrait de Thaïs, un rôle dont elle a laissé au disque une version qui fait autorité et qu’elle a chanté sur la scène du Metropolitan Opera ainsi qu’à Paris en concert, au Châtelet. Vocalement superbe, cet air souffre étrangement d’une diction floue pour ne pas dire inintelligible, dommage car la cantatrice s’y montre dans une excellente forme vocale. Suivent deux mélodies de Fauré parmi les plus fameuses, Mandoline et Clair de lune superbement phrasées dans lesquelles la diction est à peine meilleure. Rarement proposée en concert Soirée en mer de Saint-Saëns constitue pour beaucoup une jolie découverte. Cette partie s’achève avec un savoureux extrait des Trois valses d’Oscar Straus, interprété avec une délicieuse pointe d’humour, dont l’aigu final, triomphant, déclenche une belle ovation.
Après l’entracte Renée Fleming vêtue cette fois d’une magnifique robe claire, nous régale avec deux Chants d’Auvergne de Canteloube de toute beauté avant de nous proposer une magnifique rareté: quatre Lieder d’Egon Kornauth (1891-1959). Ce compositeur autrichien a également fait une carrière de pianiste durant l’entre deux guerre avant d’enseigner la musique à Vienne et à Salzbourg. La plus grande partie de sa production est consacrée à de la musique de chambre, des pièces pour piano et des Lieder d’une facture tout à fait classique. Ceux que la soprano a choisi de nous proposer sont tous empreint d’une douce mélancolie qui sied idéalement à sa voix. Enfin, Ariadne auf Naxos qui conclut le programme montre à quel point sont grandes les affinités entre Renée Fleming et la musique de Richard Strauss qu’elle a admirablement servie tout au long de sa carrière et plus particulièrement durant les deux dernières décennies qui l’ont vue promener avec bonheur son Arabella, sa comtesse de Capriccio et surtout sa Maréchale sur les plus grandes scènes. C’est à Baden-Baden en 2012 qu’elle aborde le rôle d’Ariadne dont elle nous livre ce soir trois extraits d’une haute tenue.
Au piano, Hartmut Höll qui a collaboré avec les plus grands interprètes de Lieder se révèle à la fois un accompagnateur complice et un musicien aguerri, comme en témoignent notamment les passages solo des Chants d’Auvergne.
Après avoir dit à quel point elle était heureuse de retrouver le public parisien, la soprano propose en bis trois de ses plus grands « tubes », la chanson à la lune tirée de Rusalka, « Summertime » de Gershwin et l’Ave Maria de Schubert, interprétés avec une aisance et une santé vocale sans faille.