Pour son nouveau récital au Théâtre des Champs-Élysées, Julia Lezhneva a concocté un programme qui s’articule autour de deux de ses compositeurs fétiches : Mozart, tout d’abord, qui tient une place de choix dans la première partie du récital. Des extraits du ballet d’Idoménée ouvrent la soirée avant que la soprano ne propose l’air de concert « Voi avete un cor fedele » qu’elle chante avec une insolence et une facilité déconcertantes. On reste pantois devant la virtuosité ébouriffante de la cantatrice qui exécute à l’envi trilles et vocalises avec une redoutable précision. Pourtant l’on demeure quelque peu sur sa faim devant cette mécanique impeccablement huilée qui semble tourner à vide, tant la soprano paraît indifférente aux mots et à l’ironie sous-jacente du texte. Fort heureusement cette impression s’estompe rapidement dès le morceau suivant, « Mi lagnerò tacendo » tiré du Siroe de Hasse, dont elle a gravé une intégrale remarquée aux côtés de Franco Fagioli, parue au printemps dernier. Ici point de virtuosité gratuite, Les inflexions de la voix parviennent à exprimer la mélancolie que ressent le personnage et sa détermination. Pour conclure la première partie, Julia Lezhneva qui interprètera Fiordiligi à Wiesbaden en mai prochain, nous offre un avant-goût de cette prise de rôle. Son « Come scoglio » laisse augurer du meilleur : le récitatif est chanté avec aplomb et toute l’autorité nécessaire et l’air proprement dit n’appelle que des éloges tant sur le plan expressif que vocal, à l’exception peut-être d’un aigu final un rien tendu.
La seconde partie met Rossini à l’honneur à travers deux scènes d’opéra seria qui s’intercalent entre deux ouvertures célèbres. Dans le grand air de Desdémone « Assisa a piè d’un salice », la cantatrice doit affronter le souvenir de Cecilia Bartoli qui avait interprété l’opéra entier in loco en 2014. Avec des moyens somme toute différents et une émotion plus contenue Julia Leznheva se hisse sans peine sur les mêmes cimes que sa consœur. Son interprétation nimbée de nostalgie n’est pas dépourvue de charme et la luminosité de son timbre fait ici merveille. Avec le rondo final d’Elena de La Donna del lago La soprano termine son programme sur une page virtuose propre à mettre en valeur sa technique et déclencher l’enthousiasme du public.
En bis, elle nous offre un Chérubin sensuel et délicat à travers un « Voi che sapete » subtilement nuancé et achève de nous éblouir avec un « Alleluia » de Porpora tout en vocalises qu’elle exécute sur un fil de voix.
A la tête de l’Orchestre de chambre de Paris dont il est directeur musical depuis septembre dernier, Douglas Boyd réserve de belles surprises surtout dans Mozart, dirigé avec élégance (les danses allemandes) et fermeté (« Come scoglio »). Dans Rossini, la scène de Desdémone, empreinte de mélancolie, contraste avec l’ouverture de Guillaume Tell menée tambour battant, dont la dernière section martelée à l’excès s’achève dans un tintamarre qui vient tempérer la bonne impression que le chef avait laissée jusque là.