La première saison des Lundis musicaux du Théâtre du Palais-Royal s’est achevée avec ce récital d’Elīna Garanča, une aubaine pour les admirateurs de la cantatrice dont les apparitions sur une scène parisienne s’étaient raréfiées ces derniers temps, notamment à cause de sa récente maternité. Très élégante dans une somptueuse robe bleu nuit, la mezzo-soprano lettone a consacré toute la première partie de son programme à Robert Schumann. A peine a-t-elle commencé de chanter que l’on est séduit par la radieuse beauté du timbre, homogène sur toute la tessiture, et l’ampleur de la voix qui épouse avec aisance la ligne mélodique de « Widmung », une voix qui se fait tour a tour caressante dès les premières notes de « Der Nussbaum » ou mélancolique dans « Jemand » orné de délicates nuances. Dans les deux Lieder der Braut, en revanche, l’interprète marque le pas, non que la diction soit en cause, l’allemand de Garanča est impeccable, mais la chanteuse semble quelque peu extérieure au texte, indifférente en somme, aux émois de cette jeune fiancée. Une petite réserve qui s’applique également aux tout premiers poèmes du Frauenliebe und Leben où la splendeur du son parvient cependant à compenser ce que l’interprétation peut avoir de convenu. Il faut dire que l’accompagnement neutre à force d’être sobre, de Malcolm Martineau n’aide pas forcément la cantatrice à s’extérioriser. Fort heureusement, la suite du cycle la montre davantage concernée, et le dernier Lied « Nun hast du mir den ersten Schmertz getan » parvient même à lui arracher quelques accents poignants bien en situation.
Changement d’atmosphère après l’entracte. Cette fois Elīna Garanča apparaît vêtue d’une robe aux teintes argentées. Les sept Lieder de jeunesse de Berg qui ouvrent la seconde partie conviennent davantage au tempérament de la chanteuse et lui donnent l’occasion de mettre un peu plus en valeur ses qualités vocales. Ainsi dans « Die Nachtigall » la voix s’épanouit librement jusqu’à l’aigu dont la largeur et la plénitude sont un vrai bonheur. La voix s’épanouit encore davantage dans les Lieder de Strauss dont l’écriture très lyrique permet à la cantatrice de donner la pleine mesure de ses moyens. Tour à tour mutine dans « All’ mein Gedanken, mein Herz und mein Sinn » ou rêveuse dans « Meinem Kinde », le programme s’achève avec un splendide « Heimliche Aufforderung », véritable opéra en miniature dont la cantatrice livre une interprétation de grande classe, tout à fait électrisante. Malcolm Martineau semble lui-aussi plus à son affaire dans ces pages et offre à sa partenaire un accompagnement de haute volée. Visiblement heureuse et rayonnante, Elīna Garanča accordera trois bis parmi lesquels un « Morgen » de Richard Strauss, superbe de raffinement et d’émotion contenue.