Il y a quelques semaines à peine, Christophe Rizoud nous faisait part de l’enthousiasme que lui inspirait – à raison – le disque Rossini de Karine Deshayes. Au Festival de Saint-Denis, la mezzo française démontre somptueusement que l’univers du Lied ne lui est pas plus étranger que celui de l’opéra, que peut-être elle est Brahmsienne autant que Rossinienne. Contemporaines de la Quatrième Symphonie, les deux mélodies de l’opus 91 associent à la voix l’alto et le piano. Jeux de couleurs et de textures crépusculaires qui siéent à « Gestillte Sehnsucht », écrite sur un poème de Rückert. Sa mélancolique sensualité trouve en Deshayes, à l’aise avec l’extension basse de son registre, Renaud Capuçon et Nicholas Angelich des défenseurs d’une sensibilité toute en retenue. « Geistliches Wiegenlied » exhale des parfums plus prononcés, une extraversion d’autant plus assumée qu’elle ne s’accompagne jamais du moindre effet facile. En fin de programme, le Lied sera bissé, il aurait pu être trissé…
Brahms occupait tout le programme du concert, avec deux sonates où Renaud Capuçon, délaissant l’alto, retrouve son violon. A la sobriété presque austère de la 3e, en ouverture du concert, succède, après l’entracte, la très expressive 2e. Ces changements de climats, Capuçon et Angelich en jouent avec délices. Dans l’acoustique très proche et le cadre indéniablement romantique, du Pavillon de Musique du Lycée des Jeunes Filles de la Légion d’Honneur, les deux solistes rivalisent d’inventivité, osant un lyrisme plein et sans arrière-pensée, ombrageux et fier. De quoi transformer Saint-Denis en Vienne…