Les récitals d’Angela Gheorghiu à Paris ne sont pas légion. Aussi, celui de ce samedi a attiré les foules, alléchées par un programme ambitieux, un chef de renom et une curiosité : un jeune ténor, catégorie brun ténébreux.
Pourtant, de Montpellier à Strasbourg ou tout simplement sur sa chaine hi-fi, on ne peut soutenir que Jonathan Tetelman appartienne encore à la catégorie star montante, même s’il fait ce soir ses débuts parisiens. Le public est conquis : aigus aisés et péremptoires, ligne et phrasé léchés, souffle et diction… le tout se conjugue autour d’une vraie sensibilité soutenue par une capacité à nuancer, à user de demi-teinte et de voix mixte au service de l’interprétation. Reste à travailler l’endurance et à mûrir à la scène ces extraits qui ne donnent qu’à entrevoir des personnages amputés. Enfin, dans le panorama du XIXe siècle choisi par les deux chanteurs, on remarque que sa voix s’épanouit bien plus naturellement dans les rôles lyriques – « Ah la paterna mano » confondante en ouverture de récital – que ceux plus lourds de la fin de siècle. Rien ne sert de courir et les spinto peuvent bien attendre.
En comparaison, Angela Gheorghiu donne l’impression de gérer son capital. Les deux premiers airs solos, « Caro mio ben » et la Habanera, lui font puiser dans une tessiture qui n’a jamais vraiment été la sienne. Son registre grave, poitriné à l’excès, prend des couleurs fauves qui jurent avec le reste de la ligne. Des duretés et des notes approximatives s’ensuivent, un problème que l’on retrouvera dans l’air de Chimène en deuxième partie. Heureusement, le reste du programme prévoit de larges pans de son répertoire de prédilection, à commencer par Puccini et le deuxième XIXe siècle. Le public ne boude pas son plaisir, d’autant que la star assure le show avec sa légèreté habituelle qui cache une technique solide et un contrôle du souffle inaltéré.
En fosse, on apprécie l’excellente qualité du Belgian National Ochestra, violoncelliste et harpe en tête. Frédéric Chaslin trouve toujours le juste réglage pour valoriser la formation dans les pages orchestrales originales retenues. Respighi permet d’affûter tous les pupitres qui déploient un travail remarquable sur les tons et les ambiances. Il trouvera tout son potentiel dans la « Danza delle ore » et surtout une ouverture du Roi d’Ys dont les accord finaux préfigurent la neuvième de Dvořák.
Les duos trouvent les deux chanteurs libérés et tout à fait complices ; ils chauffent la salle à blanc par une Zarzuela rocambolesque du ténor, une mélodie roumaine charmante et un « Granada » tonitruant à l’unisson.