Gregory Kunde est l’un des ténors belcantistes les plus attachants de sa génération ; ses dernières participations au Rossini Opera Festival ont été marquantes. L’entendre dans un récital de mélodies avec piano éveillait la curiosité et l’intérêt d’un public pour ainsi dire conquis d’avance.
Dans le cadre romanesque de l’auditorium Pedrotti qui fait penser à la salle Gaveau avec son ravissant petit orgue évoquant Vingt mille lieux sous les mers, le ténor américain établit d’emblée un contact chaleureux. Au début, malgré son goût évident pour la mélodie intimiste, le chanteur a un certain mal à ne pas se laisser dépasser par son lyrisme. En dépit de l’évolution de sa voix, on subit par à coups des écarts de volume excessifs, des aigus en force et des notes emphatiques qui rompent quelque peu le charme. Toutefois, son sens du phrasé, sa manière d’alléger élégamment le son dans les moments tendres, et surtout une excellente diction, particulièrement en français — qui ne se souvient de l’Énée limpide des Troyens de Berlioz au Châtelet ? — le rendent toujours agréable à suivre.
Pour échauffer sa voix avec quelques ornementations, Gregory Kunde commence par une cantate de Francesco Conti, compositeur florentin du début du XVIIIe. Puis, il s’engage prudemment dans un cycle d’Ottorino Respighi. Les trois premières de ces mélodies d’inspiration post-vériste ne stimulent guère son ardeur, mais c’est avec une grande délicatesse qu’il rend les demi-teintes d’Acqua comme de Crepusculo. Malheureusement, la délicieuse mélodie À Chloris de Reynaldo Hahn, sur un poème de Théophile de Viau, ne donne pas tout son suc ; Nell de Gabriel Fauré et Hébé d’Ernest Chausson demeurent assez ternes malgré la clarté des poèmes.
En revanche, bénéficiant du lyrisme naturel du chanteur, Psyché d’Émile Paladilhe, compositeur de musique religieuse et d’opéras totalement oubliés, et surtout, Phydilé d’Henri Duparc sur un poème de Leconte de Lisle, exhalent leur subtil parfum romantique. Indéniablement : les deux moments de grâce à retenir de ce récital.
Avec quatre des Seven Elizabethan Lyrics de Roger Quilter, Gregory Kunde nous ramène en douceur sur ses terres avant de conclure sur Rossini par un “Asile héréditaire“ de Guillaume Tell aux limites de son art consommé.