Après un passage par Hardelot en juin dernier, la Psyché de Matthew Locke, longtemps restée dans l’oubli, se donne de nouveau à entendre au milieu des dorures de l’Opéra royal de Versailles.
Premier semi-opéra de l’Histoire – et socle à partir duquel les grandes œuvres lyriques anglaises vont pouvoir se développer –, cette Psyché mêlait à l’origine des passages parlés, la musique de Locke et des danses composées par Draghi, malheureusement perdues ; mais pour cette version de concert, pas de dialogues, et des danses puisées dans le répertoire de l’époque afin de reconstituer au mieux une partition incomplète.
Il va sans dire que l’on adorerait voir cette Psyché enrichie par la présence d’acteurs, ne serait-ce que pour voir sur scène l’héroïne, absente ici parce qu’elle ne chante pas, et que l’on aimerait la voir mise en scène, tant l’action alambiquée, les changements de décor et autres dii ex machina promettent du grand spectacle. Mais Sébastien Daucé et l’ensemble Correspondances nous offrent malgré tout une bien belle porte d’entrée dans une œuvre qui mérite qu’on la redécouvre.
Elle bénéficie en effet d’une distribution d’une grande homogénéité, où treize chanteurs incarnent un ou plusieurs rôles et interprètent les chœurs. Marc Mauillon, qu’on ne présente plus dans le répertoire baroque, possède ainsi une excellente projection et une diction extrêmement claire qui en font un Mars de choix. De son côté, Lucile Richardot a une autorité incontestable et s’empare avec énergie du texte qu’elle énonce dans chacun de ses rôles, qualités qu’elle partage avec Etienne Bazola en Vulcain et Bacchus et Yannis François – malgré des graves assez peu sonores.
Il convient également de souligner les performances de William Shelton et Antonin Rondepierre, deux jeunes chanteurs extrêmement prometteurs qui parviennent à tirer leur épingle du jeu au milieu d’une distribution unanimement rompue à ce répertoire, mais que l’œuvre ne met pas forcément en avant en tant que solistes. Toutes ces qualités individuelles donnent en tout cas un très beau son au chœur, qui affiche en plus un dynamisme bienvenu.
Le dynamisme est décidément un mot d’ordre de cette production, puisque l’orchestre permet que l’œuvre ne s’appesantisse pas malgré l’absence de dialogues parlés pour faire avance l’action. On aurait certes pu espérer une direction qui accorde davantage de place aux détails et distingue mieux les différents plans sonores ; mais les musiciens nous offrent une interprétation cohérente et vivante de cette musique et participent pour beaucoup à la réussite d’un concert qui, on l’espère, ouvrira la voie à d’autres représentations de cette Psyché que l’on est heureux de voir ressuscitée, à l’instar de son héroïne.