Quoi de plus légitime pour terminer en beauté la 35e édition du Rossini Opera festival que cette Petite messe dont la grandeur est reconnue. En l’occurrence, c’est plutôt sur l’aspect « solennel » de son exécution qu’il convient de braquer le projecteur.
Chaque été, de nombreux amateurs de bel canto viennent de loin, et même de très loin, dans cette station balnéaire au bord de l’Adriatique et de jeunes artistes lyriques convergent de partout pour recevoir l’enseignement de son Académie ; durant le festival, les meilleurs d’entre eux font leurs armes en récital et participent à des productions qui n’ont rien de muséales aux côtés de chanteurs renommés. Ce qui fait la force du ROF c’est qu’il est profondément ancré dans son époque, dans sa commune, dans sa province (Urbino-Pesaro) et dans sa région (Les Marches). Symbole de cette volonté, ces dernières années, le concert de clôture est diffusé — en direct live sur grand écran — au centre de la vieille ville, sur la Piazza del Populo.
Afin de faire entendre intégralement cette version pour orchestre estampillée par la Fondation Rossini avec la collaboration de Casa Ricordi, c’est Alberto Zedda en personne qui officie à la baguette. Le Maestro dirige par cœur, avec un enthousiasme que ses quatre-vingt six printemps révolus n’ont pas altéré. L’orchestre et le chœur du Teatro Comunale di Bologna sont aux aguets ; quatre solistes, ayant étudié à l’Académie Rossini et déjà amorcé un début de carrière prometteur, sont alignés de part et d’autre du chef. Dans la salle, les fidèles retiennent leur souffle. La grand-messe rossinienne à l’apogée de son style musical inimitable, entièrement libéré de tout conservatisme, va se dérouler sans défaillance, noblement, mais sans extase.
Si l’application et la compétence musicale sont toujours présentes, l’étincelle qui mène au sublime ne jaillit qu’à de rares moments. Par exemple, dans le Qui tollis, celui où les deux voix féminines s’entremêlent avec les harpes et aussi durant le fervent « Hosanna in excelsis » du Sanctus.
© Amati Bacciardi
La charmante soprano d’origine russe Olga Senderskaya séduit par un timbre attractif et une diction précise. Un bonne technique et un beau physique sont à mettre au crédit de la mezzo Veronica Simeoni. Quoique sa voix soit un peu faible en volume et en couleurs, elle sert le magnifique Agnus Dei final de manière tout à fait satisfaisante. Les parties masculines sont tenues par des chanteurs plus accoutumés à Rossini. Dès le Domine Deus, excellente projection et aigus faciles, le ténor Dmitry Korchak tient sa place avec l’assurance qu’on lui connait. Quant à Mirco Palazzi qui a précédemment chanté ici deux Stabat Mater et une Petite Messe, sa voix sombre, sa longueur de souffle et ses graves consistants lui permettent de produire un chant intense qui s’impose aisément dès le « Quoniam tu solus sanctus ».
Avouons-le, c’est l’insurpassable version de chambre avec son harmonium et ses deux pianos et surtout les grandes voix entendues au disque qui restent dans l’oreille. Mais comparaison n’est pas raison, cette belle exécution orchestrale pesaresque mérite d’être saluée.