« Académique » s’exclamait Maurice Salles à propos de cette production de Norma vue à Séville en février dernier mais créée à Turin en 2002. Nous lui empruntons le mot en élargissant son application au cadre musical de cette reprise motivée par le festival « the best of Italian Opera ».
Académique, la direction de Roberto Abbado avec ses tempi majestueux et son flux discursif coulé dans un marbre inerte. L’orchestre et le choeur du Teatro Regio se montrent comme les jours précédents à la hauteur d’une partition dont ils connaissent les moindres contours. Il n’est cependant pas de leur ressort de transformer le plomb en or.
Académique, l’interprétation vocale, irréprochable et même admirable compte tenu de la difficulté de l’écriture, mais figée dans un style d’une autre époque, comme si plusieurs générations de chanteurs belcantistes n’avaient pas renouvelé la manière d’appréhender la musique romantique du premier ottocento. Ni variations, ni recherche d’effets expressifs. Les notes rien que les notes dans leur implacable exigence, ce qui est déjà énorme mais s’avère insuffisant pour donner vie au drame. Pollione gladiateur, invincible, tout de muscle et de projection (Roberto Aronica) ; Adalgisa superbe et abimée dans la contemplation d’un chant égal et long (Veronica Simeoni) ; Oroveso en retrait – Riccardo Zanellato, attendrissant dans La Bohème trois jours auparavant, s’abrite derrière les chœurs au premier acte, peine à assumer ses responsabilités de père, de chef militaire et spirituel au second : dur, dur d’être un héros – ; Norma tendre comme une agnelle – Maria Agresta n’a ni les crocs féroces, ni les griffes aiguisées. Son « Casta diva » éclairé d’une lumière uniformément bleutée est un instant de poésie pure qu’un « Ah! Bello a me ritorna » désarmé ne relève pas, tout comme plus tard un suraigu affuté ne parvient pas à éperonner ses interventions les plus dramatiques : « Oh, non tremare, o perfido » bien peu menaçant, « Son miei figli » pâle comme du vin dilué dans l’eau , « In mia man » dépourvu de ce petit frisson sadique qui donne la chair de poule, etc.
Académique enfin, la mise en scène d’Alberto Fassini, reprise par Vittorio Borrelli. Non les costumes et les décors qu’au contraire de Maurice Salles, nous n’avons pas trouvé dérangeants – simple affaire de goût –, mais ainsi que le relevait justement notre confrère, la gestion du mouvement qui semble n’avoir d’autres intentions que la composition de jolis tableaux inanimés. Cette absence de direction théâtrale n’aide assurément pas les chanteurs dans leur dure tâche d’interprète. Espèrons que Maria Agresta et Riccardo Zanellato, attendus dans ces mêmes rôles en décembre prochain au Théâtre des Champs-Elysées, trouveront dans le travail de Stéphane Braunschweig et de Riccardo Frizza – le metteur en scène et le directeur musical de la nouvelle production parisienne – davantage matière à se lâcher.