En septembre dernier la saison du Capitole de Toulouse s’ouvrait avec une nouvelle production de Norma qui avait fait grand bruit. Ce spectacle est retransmis par France 5 ce samedi 23 mai à 22h25. Voici le compte-rendu que nous avions fait lors de la première diffusion en streaming sur le site de France TV.
La mise en scène, de facture classique, était signée Anne Delbée. Le décor d’Abel Orain s’articule autour d’une sorte de podium sur lequel les personnages prennent place pour chanter leurs airs. De part et d’autre, des rideaux blanc ornés de motifs végétaux au premier acte, auxquels succèdent à l’acte suivant des panneaux triangulaires et luisants de couleur argentée ou dorée selon les tableaux. Au fond apparaissent des vidéos, notamment celles des enfants de Norma qu’on ne verra pas sur la scène. On aura apprécié les beaux éclairages de Vinicio Cheli notamment celui du premier acte où le plateau est nimbé d’une lumière bleutée du plus bel effet. En revanche on regrettera la présence superflue d’un comédien grimé en cerf blanc qui déclame pendant la musique ( !) un texte abscons avec des accents qui se veulent prophétiques. La direction d’acteur, minimaliste, semble laisser plus souvent qu’à leur tour, les protagonistes livrés à eux-mêmes.
La distribution est dominée par les deux principales interprètes féminines : Marina Rebeka, d’une beauté sculpturale dès son entrée en scène, possède les moyens que réclame le rôle, une voix longue et puissante, un timbre capiteux, homogène sur toute la tessiture, un aigu solide et un registre grave d’une profondeur insoupçonnée. Elle affronte les innombrables difficultés qui parsèment sa partie avec un contrôle du souffle et une maîtrise sans faille de l’ornementation. A son entrée au premier acte, elle déclame son récitatif avec toute l’autorité requise. Très applaudi, le « Casta diva » subtilement nuancé révèle un impeccable legato. En revanche, dans la cabalette, réduite à un seul couplet, les consonnes manquent quelque peu de mordant ce qui nuit à la compréhension du texte, péché véniel au regard de l’ensemble de sa prestation. La soprano lettone se montre pleinement convaincante dans les duos avec Adalgisa ainsi que dans la scène finale où elle laisse libre court à ses dons de tragédienne. Karine Deshaye est sans conteste l’une des meilleures Adalgisa du moment, l’étendue de sa voix qui flirte désormais avec le soprano, lui permet d’atteindre le contre-ut sans difficulté, la pureté de son timbre mordoré évoque à la fois la jeunesse et la détermination du personnage. Enfin, en grande habituée du répertoire rossinien, la cantatrice connaît sa grammaire belcantiste sur le bout des doigts et livre une interprétation de tout premier ordre dès son entrée en scène où son « Sgombra è la sacra selva » phrasé avec une délicatesse infinie exprime la pudeur féminine de son personnage.
Norma © Cosimo Mirco Magliocca
A leurs côtés le jeune Airam Hernández effectue une prise de rôle remarquée en Pollione. Le ténor espagnol possède une voix claire et une belle technique qui lui permet de s’imposer dès le premier acte avec un « Meco all’altar di Venere » remarquable qui dévoile un registre aigu d’une grande facilité. De plus il ose des ornementations du plus bel effet dans l’unique couplet de sa cabalette. Si le comédien est encore un peu sur la réserve, le chanteur peut déjà prétendre à un bel avenir.
L’Oroveso de Bálint Szabó dispose de moyens solides qui captent l’attention dès sa grande scène du premier acte. Enfin Andreea Soare est une Clotilde à la voix fraîche et prometteuse.
Belle prestation des chœurs préparés par Alfonso Caiani.
Au pupitre Giampaolo Bisanti propose une direction tout en nuance qui privilégie l’élégie au détriment parfois de certains passages dramatiques comme le trio de la fin du premier acte. La scène finale en revanche est spectaculaire dans sa grandeur tragique. Lors des saluts, le public enthousiaste a réservé un accueil des plus chaleureux à l’ensemble des protagonistes.