Michael Spyres se produit pour la première fois sur la scène du théâtre du Capitole à Toulouse et nul doute qu’il se sera réjoui de l’accueil chaleureux que le public lui réserve pour ce baptême du feu. Longues et nombreuses ovations, quatre bis réclamés et accordés sans manières, à l’issue d’un programme Rossini intelligemment construit. C’est l’excellent Mathieu Pordoy, son accompagnateur, qui s’est chargé de présenter en début de soirée l’architecture du concert. Même s’il a tenté de justifier le titre du programme un rien racoleur (« Monsieur Crescendo ») donné au récital, il a convenu qu’on n’entendrait guère ce fameux crescendo, spécialité rossinienne parfois moquée par une critique pincée.
Le concert est construit en quatre parties sans entracte, entrecoupées de pièces pour piano solo. Les quatre parties sont elles mêmes constituées de trois mélodies françaises ou italiennes. Comme l’explique bien Mathieu Pordoy, le déroulé est à rebours de la chronologie. Ainsi, les premières pièces données à entendre font partie des dernières composées et elles empruntent des tonalités plus nostalgiques ou élégiaques, les plus brillantes étant réservées aux deux dernières parties du concert.
© Patrice Nin
Dès l’entrée (« L’âme délaissée »), Michael Spyres impose sa voix dans toute son autorité ; à tel point qu’on en vient à relire les paroles du poème de Casimir Delavigne et à se demander si c’est vraiment d’autorité qu’il est question dans cette lettre d’adieu (on se fera la même réflexion en deuxième partie au sujet de l’élégie « Au chevet d’un mourant »). Même remarque pour les « Adieux à la vie » sur un texte d’Emilien Pacini. Là toutefois, alors que la révolte contre la mort l’emporte sur l’imploration, les emportements sont bienvenus. De même dans « Roméo » où le rythme haletant est tenu et la fébrilité de l’amant bien rendu. Plus on avancera dans le programme, plus le ton des pièces sera léger et plus on sentira Spyres à l’aise et heureux de libérer sa fougue communicative. Ainsi, « L’ultimo ricordo » qui en appelle à l’amour de la patrie ou « Le Lazzarone », véritable déclaration d’amour aux Napolitains sont-ils enlevés avec une ferveur qui gagne vite la salle. La générosité est d’ailleurs une caractéristique du chant de Michael Spyres qui n’est jamais aussi à l’aise que lorsqu’il s’agit d’entraîner son auditoire (« La Danza » ou le « Cessa di più resistere », seule incursion dans le monde de l’opéra, donné en bis). La fin du programme officiel « Addio ai Viennesi » donne à entendre toutes les facettes de la voix du ténor américain : aisance, tant dans l’aigu et le suraigu que le grave barytonant, générosité du timbre et intelligence du texte.
Il serait injuste de passer sous silence la prestation de Mathieu Pordoy ; il est non seulement un accompagnateur précis et enthousiaste du ténor, mais il délivre en solo trois superbes pièces de Rossini dont deux peu connues (extraites de « Quelques riens pour album ») au côté de la Barcarole extraite des « Péchés de vieillesse » et qui ont contribué à rythmer la soirée.