L’Occasione fa il ladro ne manque pas son effet. Comme lors des représentations en août 2013 à Pesaro, le public enthousiaste réclame et obtient un bis de l’ensemble final.
L’œuvre, il est vrai, a de nombreux atouts pour séduire : le jeune Rossini (tout juste vingt ans) condense en un acte et une heure et demie, sur la base d’un livret riche en quiproquos (reposant sur un banal échange de bagages), suffisamment d’airs de bravoure et d’ensembles ébouriffants (dont un quintette) pour ne jamais lasser ni laisser retomber la tension.
Ce qui ne devait être qu’une version de concert vire rapidement à la production semi-scénique. Dès la tempête de l’ouverture, on voit des parapluies s’ouvrir, le pianiste venant abriter le chef d’orchestre des intempéries. C’est d’ailleurs ici le chef, deus ex machina, qui est à l’origine du drame, confiant la valise cabine de Don Parmenione au comte Alberto. Parmi les moments les plus réussis de la soirée on citera Eusebio qui vole la place du pianiste et qui, comme si de rien n’était, continue à accompagner le récitatif, avant de se faire tirer l’oreille et remettre à sa place par le chef. Cela bouge, les amants se rapprochent sur scène, c’est à peine si l’on n’entend pas les portes claquer : on est loin de la rigidité de la version de concert et on ne s’en plaindra pas.
La direction d’Enrique Mazzola séduit par son élan et sa familiarité avec la mécanique de précision rossinienne (même si les ensembles pourraient faire l’objet d’une mise en place encore plus rigoureuse). A la tête de l’Orchestre National d’Ile-de-France, d’une grande discipline, le chef sait faire partager sa passion pour le cygne de Pesaro (où il doit d’ailleurs diriger La Gazzetta l’été prochain). Si l’on devait chipoter, on pourrait simplement rêver d’une pâte orchestrale plus légère et de sonorités plus brillantes.
Le plaisir est cependant tempéré par un déséquilibre sonore patent entre l’orchestre et les chanteurs. Problème d’acoustique ou gestion déficiente des dynamiques par le chef ? En tout cas quels que soient les interprètes, ils peinent à se faire entendre. C’est d’autant plus frustrant, qu’ils font montre par ailleurs de belles qualités, en particulier le couple des promis.
Yijie Shi (Comte Alberto) est un grand habitué du Festival de Pesaro où il a suivi la formation prodiguée par l’Accademia Rossiniana. La technique vocale est souveraine . Si la voix s’est élargie, elle n’en a pas pour autant perdu son agilité, faisant merveille dans son grand air, avec des reprises variées. Reste un timbre un peu engorgé mais qui sait se rendre caressant lorsque le ténor chinois allège son émission, comme dans son premier duo avec Berenice.
Désirée Rancatore convainc bien davantage en Berenice qu’en Norina dans Don Pasquale au même endroit il y a trois ans. Si la voix bouge un peu au début, elle se stabilise rapidement et laisse entendre un medium suffisamment étoffé. Surtout, la pétillante soprano italienne peut ici laisser libre cours à sa fantaisie, en particulier dans sa grande scène, nous régalant d’acrobaties vocales et autres notes suraiguës piquées.
Le couple Parmenione et Ernestina a en commun une grande présence scénique et une véritable vis comica. On sait depuis longtemps que Sophie Pondjiclis a du tempérament ; il ne faudrait pas oublier pour autant qu’elle possède également une présence vocale appréciable : son mezzo charnu et sonore sait se plier sans mal à l’écriture ornée de Rossini. Malgré une composition de fat bien campée, la prestation de Bruno Taddia déçoit quelque peu. Le timbre est très clair et si l’aigu est raisonnablement sonore, le médium et le grave peinent à se faire entendre. De plus, le manque de mordant de l’articulation fait perdre le caractère rythmique de la vocalisation syllabique rapide, si caractéristique du chant rossinien.
Quant aux comprimarii, ils offrent des prestations contrastées. Si le Martino d’Umberto Chiummo sonne bien fruste, Krystian Adam (Don Eusebio) ferait presque regretter la brièveté de son rôle.