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Les Vêpres siciliennes — Copenhague

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Spectacle
16 mai 2015
Traitement de choc

Note ForumOpera.com

3

Infos sur l’œuvre

Opéra en 5 actes

Livret d’Eugène Scribe et de Charles Duveyrier

Création le 13 juin 1855 à l’opéra de Paris

Détails

Mise en scène

Stefan Herheim

Décors

Philipp Fürhofer

Costumes

Gesine Vollm

Lumières

Anders Poll

Chorégraphie

André de Jong

Dramaturgie

Alexander Meier-Dörzenbach

Henri

David Pomeroy

Guy de Montfort

Louis Otey

Jean de Procida

Erwin Schrott

Hélène

Gisela Stille

Béthune, officier français

Gregory Frank

Thibaut, soldat français

Gert Henning-Jensen

Ninetta, camériste d’Hélène

Elisabeth Halling

Vaudemont, officier français

Per Høyer

Danieli, jeune sicilien

Peter Lodahl

Manfredo, sicilien

Jens Christian Tvilum

Robert, soldat français

Palle Knudsen

Chœur et orchestre de l’Opéra Royal Danois

Direction musicale

Paolo Carignani

Copenhague, Opéra Royal du Danemark

16 mai 2015 à 18h30

Coproduite avec le Royal Opera de Londres où elle fut créée en 2013, la production des Vêpres siciliennes montée par Stefan Herheim est reprise avec un succès renouvelé dans le magnifique nouvel opéra de Copenhague. Comme toujours, le metteur en scène norvégien offre une lecture à plusieurs niveaux. Le spectacle peut s’apprécier au premier degré par la magnificence des décors, la splendeur des costumes, une attention portée à la dramaturgie jusque dans les nombreux petits rôles, l’omniprésence des ballerines (malgré la coupure du grand ballet). Transportés au milieu d’une représentation de l’ouvrage de Verdi à l’époque de sa création, à l’intérieur d’une sorte de Palais Garnier stylisé, nous sommes en plein enchantement. Au-delà de cette version illustrative, Herheim pointe ici les mœurs de la société aristocratique et bourgeoise au XIXe siècle. A cette époque, jeunes rentiers et vieux débauchés s’arrachent, pour les plus fortunés,  les courtisanes en vogue. Les danseuses de l’Opéra sont une cible de choix pour une liaison de courte durée un peu plus économique… On sait que le Foyer de la Danse du Palais Garnier avait pour fonction de permettre à certains membres du public d’admirer les danseuses en train de s’échauffer, mais aussi de leur donner la possibilité de présenter leurs hommages aux moins farouches d’entre elles. Appartenir au corps de ballet de l’Opéra était ainsi un moyen commun de s’élever dans l’échelle sociale, au moins financièrement (sur ce sujet, on pourra lire avec profit Les Cancans de l’Opéra ou le journal d’une habilleuse ou regarder d’un autre œil les œuvres d’Edgar Degas).

Pour n’évoquer que l’ouverture, jouée rideau levé, nous assistons aux exercices du corps de ballet dirigé par Procida. Les soldats font  irruption pour abuser des jeunes femmes, Procida est blessé et Montfort se réserve la plus belle des ballerines. Après le viol, ses doubles apparaissent à Montfort : enceinte, portant un bébé puis accompagnée d’un jeune enfant qu’elle élève dans la haine des Français (si on peut faire un reproche à Herheim, c’est d’être parfois un peu trop démonstratif dans son approche mais il a le mérite de la clarté). Plus largement, Herheim traite aussi de la suprématie inéluctable de la fortune sur l’Art. Si les ballerines sont un gibier, les artistes du chœur sont des fantoches qui, lorsqu’ils sont convoqués par Procida, pour la cabalette de son air, apparaissent en caricatures de rebelles, grossièrement grimés et bien incapables de révolte. Les scènes de réjouissance du dernier acte nous montrent des Siciliens peu farouches vis-à-vis de l’envahisseur : « sous les pavés, la subvention ». Même le machiavélisme de Procida ne parvient pas à les pousser à la violence. A un autre niveau encore, Herheim traite de l’illusion du théâtre, en particulier dans la scène finale qui est sans doute le passage le plus abscons de la mise en scène : habillé en « Veuve noire » (figuration de la mère d’Hélène qui a finalement oublié toute velléité de vengeance pour épouser Henri, chacun des deux trahissant ses serments), Procida  tue un à un les participants avec la pointe d’un drapeau français. Frappé le dernier, Montfort se relève aussitôt avec l’expression d’un magicien qui a bien réussi son tour. Mise en scène de révolte en guise de catharsis : « il faut que tout change pour que rien ne change ».


© Miklos Szabo

David Pomeroy est un Henri ardent à la voix chaude et au timbre personnel, bien adapté à ce rôle de demi-caractère à la française ; comme lui, Robert (le Diable), Raoul (des Huguenots), Don Carlos, Vasco de Gama, etc. sont des personnages dont les hésitations et errements successifs se caractérisent par un profil vocal tour à tour élégiaque ou héroïque. Le français, excellent à certains moments, peu compréhensible à d’autres, reste perfectible. Le ténor canadien dispose déjà d’une bonne base technique qu’il met au profit d’une interprétation juste et d’un style soigné. Sans être considérable en termes de projection, la voix est de bonne dimension avec des aigus vaillants et le ténor se paie même le luxe d’une parfaite cadence au contre-ré à l’acte V. Bien à la peine dans l’aigu, le Montfort de Louis Otey est un peu dépassé par la tessiture : dommage car la caractérisation est intelligente et fouillée et le français bien maîtrisé. Comme à Londres, Procida est incarné par Erwin Schrott qui renouvelle son interprétation avec un chant plus maîtrisé et davantage de demi-teintes, sans chercher cette fois à épater la salle sous les décibels. Le français est en revanche davantage relâché. Enfin, sa composition dramatique est remarquable et rend compréhensible le basculement du personnage vers un terrorisme aveugle. Sans disposer de moyens exceptionnels, Gisela Stille rend néanmoins pleinement justice aux nombreuses difficultés que lui a réservées Verdi. Plutôt sombre et d’une certaine largeur, la voix sait s’alléger pour offrir un « Ami, le cœur d’Hélène » en apesanteur (l’air, magnifique et redoutable par ses descentes chromatiques, est sans doute plus connu dans sa version italienne  « Arrigo, tu parli ad un core »). De même,  le soprano suédois sait faire preuve d’une agilité insoupçonnée pour un boléro brillant. Seul bémol, le français est quasiment incompréhensible même lorsque l’on connait le livret.

Paolo Carignani est l’autre grand artisan de  la réussite de la soirée : à la tête d’une formation remarquable de précision, le chef italien insuffle la tension nécessaire à ce long ouvrage (donné ici intégralement, à l’exception du ballet « Les Quatre saisons »). Si l’orchestre peut être particulièrement sonore à certaines occasions, les chanteurs ne sont jamais en danger, accompagnés avec attention par un authentique chef de théâtre comme il n’y en a plus guère dans ce répertoire. Citons également des chœurs valeureux, très sollicités par la dramaturgie, auxquels on ne peut reprocher qu’un français peu compréhensible. Parfaitement exécutée, la chorégraphie d’André de Jong s’appuie sur le vocabulaire du ballet classique (et certains peuvent en prendre de la graine) tout en s’inscrivant parfaitement dans la lecture de Herheim. Au global, une splendide réalisation qui vient redonner ses lettres de noblesse à une partition injustement négligée.

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Livret d’Eugène Scribe et de Charles Duveyrier

Création le 13 juin 1855 à l’opéra de Paris

Détails

Mise en scène

Stefan Herheim

Décors

Philipp Fürhofer

Costumes

Gesine Vollm

Lumières

Anders Poll

Chorégraphie

André de Jong

Dramaturgie

Alexander Meier-Dörzenbach

Henri

David Pomeroy

Guy de Montfort

Louis Otey

Jean de Procida

Erwin Schrott

Hélène

Gisela Stille

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16 mai 2015 à 18h30

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