Forum Opéra

Les Indes galantes — Munich

arrow_back_iosarrow_forward_ios
Partager sur :
Partager sur facebook
Partager sur twitter
Partager sur linkedin
Partager sur pinterest
Partager sur whatsapp
Partager sur email
Partager sur print
Spectacle
29 juillet 2016
Du Rameau pour les réfugiés ?

Note ForumOpera.com

2

Infos sur l’œuvre

Ballet héroïque en un prologue et quatre entrées, livret de Louis Fuzelier

Créé à l’Académie royale de musique le 23 août 1735

Détails

Mise-en-scène et chorégraphie
Sidi Larbi Cherkaoui, assisté de Jason Kittelberger
Décors
Anna Viebrock
Costumes
Greta Goiris
Lumières
Michael Bauer
Dramaturgie
Antonio Cuenca Ruiz, Miron Hakenbeck

Hébé/Zima
Lisette Oropesa
Bellone
Goran Juric
L’amour/Zaïre
Ana Quintans
Osman/Ali
Tareq Nazmi
Emilie
Elsa Benoit
Valère/Tacmas
Cyril Auvity
Huascar/Alvar
François Lis
Phani/Fatime
Anna Prohaska
Carlos/Damon
Mathias Vidal
Adario
John Moore

Choeur Balthasar-Neumann & Orchestre du festival de Munich
Chef des choeurs
Detlef Bratschker
Direction musicale
Ivor Bolton

Prinzregententheater de Munich, vendredi 29 juillet, 18h

Il est étonnant que Les Indes galantes figurent parmi les ouvrages les plus populaires de son auteur. Si ce « ballet héroïque » créé en 1735 à Paris, a été la première œuvre de Rameau à gagner une nouvelle popularité au XXe siècle, bien d’autres auraient dû depuis lui voler la vedette, tant musicalement que dramatiquement. A moins que l’exotisme du livret soit la raison de l’engouement. C’est là précisément le choix que Sidi Larbi Cherkaoui n’a pas fait. On avait bon espoir de trouver un chorégraphe inspiré, et nous aurons surtout vu l’œuvre d’un metteur en scène maladroit, cherchant absolument à donner une cohérence dramatique à ce qui n’est qu’un enchaînement décoratif et symbolique. Un salmigondis politique se substitue alors au galimatias folklorique autour de chorégraphies assez répétitives, malgré de très bons danseurs. Si le prologue commençe plutôt bien (Hébé est une institutrice qui se refuse à voir partir ses élèves à la guerre, appelés par la militaire Bellone), on a déjà du mal à comprendre ce que le président des Etats-Unis fait là, et le voir revenir en Adario ne nous éclaire pas plus. Par la suite, Amour se transformera en Dame Pipi de toilettes qui deviendront confessionnal, d’où sortira le prêtre Huascar lequel mariera Valère et Emilie, etc. Si cette volonté de tisser des liens dramatiques entre les actes est louable, elle ajoute de la complexité, un même chanteur chantant plusieurs rôles, sans compter le thème des réfugiés qui vient s’ajouter après l’entracte.  Quand bien même tout ce beau monde essaye de retrouver ses petits dans le final, la logique dramatique de l’ensemble nous a échappé. Enfin beaucoup d’accessoires qui auraient pu instiller une vraie poésie dans ces danses, sont souvent confinés au rôle de gadgets gaguesques (les Segways par exemple) ou trop utilisés (les vitrines, la bâche bleue, le swiffer) ou totalement inutile (l’immense hélice au dessus de la scène). Bref, beaucoup (trop) d’idées éparpillées pour un divertissement léger, lequel peut accueillir quelques réflexions politiques ou sociales (ce qu’avait très bien réussi Laura Scozzi par exemple), mais doit rester un kaléidoscope rafraîchissant propre à susciter l’émerveillement. Les décors et costumes années 60 d’Anna Viebrock (qui travaille beaucoup avec Marthaler) et Greta Goiris sont évidemment aux antipodes de cette logique.


© Wilfried Hösl

Côté chanteurs, la donne est plus heureuse : ont été appelés à la fois des valeurs sûres françaises, mais aussi des noms bien connus outre-Rhin et des débutants prometteurs. Parmi ces derniers, on a beaucoup apprécié l’élégance de l’Adario de John Moore, la Bellone virago et sonore de Goran Jurić, l’Osman très doux de Tareq Nazmi ou la noble Emilie d’Elsa Benoit. Mais il faut tout de même remarquer que personne ici n’est très attentif à l’intelligibilité de son texte, et si certains font des efforts pour articuler, l’intonation erronée ne permet pas au spectateur francophone de comprendre les paroles. On fera le même reproche au chœur Balthasar-Neumann de Freiburg, cependant très riche harmoniquement. Déjà connue des amateurs de coloratures, Lisette Oropesa peine à briller en Hébé, sans doute aux prises avec la langue française. Reste une actrice assez précise et très convaincante. Anna Prohaska brûle davantage les planches notamment dans le très bel air de Phani qu’elle habite intensément ou dans le « Papillon inconstant » de Fatime. Ana Quintans campe un amour capiteux. François Lis cherche trop les graves requis pour Huascar mais garde son style impeccable. Cyril Auvity jouit toujours d’une voix enchanteresse qui semble ne pas vieillir, la projection est radieuse, le français limpide, et l’engagement dramatique réel, malgré la niaiserie de ses rôles. Mêmes qualités pour Mathias Vidal, à deux doigts de transformer un Carlos commun en héros mythologique par la vigueur de ses accents.

A l’orchestre aussi, l’opéra de Munich a bien fait les choses : il n’est qu’à voir Marie-Ange Petit aux percussions pour se convaincre que le Münchner Festspielorchester n’a rien d’une formation d’amateurs pour intermittente qu’elle soit, et les nombreux morceaux à effectifs réduits prouvent l’excellence des solistes. Ivor Bolton demande à cette quarantaine de musiciens un son très rond dans lequel le clavecin n’est pas surexposé et les équilibres entre les pupitres sont bien organisés. Revers de la médaille, cela manque parfois de verve et de contrastes pour certaines danses. La fin de l’opéra est symptomatique : la danse des sauvages fut étonnamment molle, jouée en sourdine (sans doute pour coller au texte, mais la beauté de ce morceau provient justement selon nous de cette contradiction fertile avec la musique, c’est une joie acharnée), tandis que la grande chaconne fut impériale, très rythmée et impressionnante, faisant presque oublier tous les tunnels de l’oeuvre. Chapeau les artistes ! 

Commentaires

VOUS AIMEZ NOUS LIRE… SOUTENEZ-NOUS

Vous pouvez nous aider à garder un contenu de qualité et à nous développer. Partagez notre site et n’hésitez pas à faire un don.
Quel que soit le montant que vous donnez, nous vous remercions énormément et nous considérons cela comme un réel encouragement à poursuivre notre démarche.

Note ForumOpera.com

2

Note des lecteurs

()

Votre note

/5 ( avis)

Aucun vote actuellement

Infos sur l’œuvre

Ballet héroïque en un prologue et quatre entrées, livret de Louis Fuzelier

Créé à l’Académie royale de musique le 23 août 1735

Détails

Mise-en-scène et chorégraphie
Sidi Larbi Cherkaoui, assisté de Jason Kittelberger
Décors
Anna Viebrock
Costumes
Greta Goiris
Lumières
Michael Bauer
Dramaturgie
Antonio Cuenca Ruiz, Miron Hakenbeck

Hébé/Zima
Lisette Oropesa
Bellone
Goran Juric
L’amour/Zaïre
Ana Quintans
Osman/Ali
Tareq Nazmi
Emilie
Elsa Benoit
Valère/Tacmas
Cyril Auvity
Huascar/Alvar
François Lis
Phani/Fatime
Anna Prohaska
Carlos/Damon
Mathias Vidal
Adario
John Moore

Choeur Balthasar-Neumann & Orchestre du festival de Munich
Chef des choeurs
Detlef Bratschker
Direction musicale
Ivor Bolton

Prinzregententheater de Munich, vendredi 29 juillet, 18h

Nos derniers podcasts

Nos derniers swags

This be her Verse, par Golda Schultz et Jonathan Ware

La parole aux femmes
CDSWAG

Le Bourgeois Gentilhomme

Un gentilhomme en fête
CDSWAG

Debussy La Damoiselle élue

Lignes claires
CDSWAG

Les dernières interviews

Stanislas de Barbeyrac : « Il y aura peut-être un jour Tristan, si je suis sage »

Interview

Questionnaire de Proust – Sophie Koch : « Christian Thielemann compte beaucoup pour moi »

Interview

Sophie Koch : « Aborder Isolde, c’est être devant l’Everest »

Interview

Les derniers dossiers

Questionnaire de Proust

Dossier

Les grands entretiens de Charles Sigel

Dossier

Philippe Boesmans (1936 – 2022)

Dossier

Zapping

Vous pourriez être intéressé par :

Die Frau ohne Schatten – Baden-Baden

Le rêve de l’enfant
Kirill PETRENKO, Elza VAN DEN HEEVER
Spectacle

Test je peux pas publier 2 mais après oui

Spectacle

Test Editeur modifier sans relecture nécessaire

Spectacle

INSTANT LYRIQUE Alexandre Marcellier, Marie-Andrée Bouchard-Lesieur — Paris (Opéra Comique)

Les servantes écarlates
Marie-Andrée BOUCHARD-LESIEUR, Yoan BRAKHA, Alexandra MARCELLIER
Spectacle