Forum Opéra

Les grands motets de Bach — Ambronay

arrow_back_iosarrow_forward_ios
Partager sur :
Partager sur facebook
Partager sur twitter
Partager sur linkedin
Partager sur pinterest
Partager sur whatsapp
Partager sur email
Partager sur print
Spectacle
13 septembre 2019
Jubilation ?

Note ForumOpera.com

2

Infos sur l’œuvre

Détails

Johann Sebastian Bach
« Singet dem Herrn ein neues Lied » à 8 voix BWV 225

Giovanni Gabrieli
« Jubilate Deo » à 8 voix

Johann Sebastian Bach
« Der Geist hilft unser Schwachheit auf » à 8 voix BWV 226

Jacobus Gallus

« Ecce quomodo » à 8 voix

Johann Sebastian Bach
« Jesu meine Freude » à 5 voix BWV 227

Vincenzo Bertolusi
« Osculetor meo » à 7 voix

Johann Sebastian Bach
« Komm, Jesu, komm » à 8 voix BWV 229

Johann Sebastian Bach
« Fürchte dich nicht, ich bin bei dir » BWV 228

Hieronymus Praetorius
« Tulerunt Dominum meum » à 8 voix

Johann Sebastian Bach
« Lobet den Herrn alle Heiden » à 4 voix BWV 230

Ensemble Pygmalion

Direction musicale

Raphaël Pichon

Ambronay, Festival, Abbatiale, le 13 septembre 2019, 20h30

Le programme est bien rôdé, déjà écouté en décembre 2018 à la Cité de la Musique, où six des sept motets sur des textes allemands – dont l’attribution à Johann Sebastian Bach semble confirmée – alternent avec des motets du tournant du XVIIe S. On s’étonne que le « O Jesu Christ », bien que classé avec les cantates (BWV 118) n’y ait pas été intégré.

Les motets survécurent à Bach, intégrés aux pratiques liturgiques et paraliturgiques. Le Cantor connaissait son Gradus ad Parnassum, qu’il avait acquis en 1725. Or Fux proposait une sorte de retour à Palestrina. L’exécution traditionnelle, a cappella, s’effectua jusqu’aux années 60, où la remise en cause prit corps. Seuls deux des motets de Bach proposés ce soir exigent clairement une doublure instrumentale (colla parte) : Der Geist hilft unser Schwachheit et Lobet den Herrn, à l’orgue pour ce dernier. Il semble bien que la plus grande liberté était de mise : en fonction des disponibilités du moment, des effectifs, de la solennité de la cérémonie ou de son caractère intime, la pratique n’était pas figée. Raphaël Pichon a fait le choix de confier ces six motets aux vingt-huit chanteurs de Pygmalion. C’est ample, somptueux, généreux, comme une Passion confiée à Mendelssohn au Gewandhaus. Pourquoi nier notre bonheur à ce bain sonore, luxuriant, épanoui ? A certains moments près où telle ou telle séquence est réservée à quelques solistes, l’ensemble fonctionne au complet. Pour « respirer » et créer des mises en regard, il a inséré quatre motets du tournant du XVIIe entre ceux de Bach. Les motets antérieurs ont été pubiés à Leipzig dès 1618 par Bodenschatz, en deux séries (265 motets allemands et italiens de 58 compositeurs du XVIIe S). Bach en fit l‘acquisition en 1729 et y eut recours à la Thomaskirche. De là à supposer une quelconque influence sur sa propre production, le plus souvent antérieure, est pour le moins hasardeux, sinon fallacieux.

Le célèbre Jubilate Deo de Gabrieli, écrit pour Venise (édité en1597, Sacrae Symphoniae) surprend par la sagesse tranquille de sa lecture, qu’on attendait … jubilatoire. Jacobus Gallus publia son Ecce quomodo dans le recueil Opus Musicus entre 1586 et 91. Pièce homophone, où les quatre voix adoptent la métrique souple du texte, sa lecture est réjouissante. Vincenzo Bertolusi, Italien installé en Pologne puis au Danemark, édita à Venise son Osculetur meo à 7 voix en 1601. Ici encore, les combinaisons contrapuntiques sont variées à souhait. Enfin Hieronymus Praetorius publia le Tulerunt Dominum, à double chœur et en deux parties, en 1599. Les deux chœurs, après s’y être opposés, se rejoignent pour le « Surrexit sicut dixit », ici chanté de façon remarquable, avant l’alleluia qui conclut la première partie. Il en ira de même pour la seconde.


Raphaël Pichon dirige les motets de Bach © Bertrand Pichêne

Pour les quarante ans de l’Académie et du Festival, Raphaël Pichon, qui nous dit sa dette envers ce lieu magique, propose ces motets de Bach, quelques heures seulement après en avoir achevé l’enregistrement. Sa relation au Cantor remonte à son enfance. Dirigeant les motets depuis dix ans, il se les est appropriés. Raphaël Pichon résume son approche d’un mot : « Jubilation », qu’il considère comme indissociable de la foi luthérienne à l’approche de la mort. Sans entrer dans un débat théologique, les termes de confiance, de joie sereine, de douceur, d’attente paisible semblent plus appropriés. Or la direction qu’il imprime est flamboyante, animée, tendue, véhémente, souvent fébrile. Il galvanise son chœur, dont la virtuosité est admirable, dans tous les tempi, les plus inouïs, dans toutes les nuances, de la projection fortissimo, véhémente, au quadruple piano, dans des phrasés somptueux comme dans des articulations détachées et légères. Du technicolor sur écran panoramique, avec la 3D. La direction est attentive au moindre détail. Les chanteurs, tous virtuoses, peuvent ainsi suivre sans jamais donner l’impression de précipitation les tempi les plus rapides et se prêter à toutes les intentions du chef. Le continuo, sonore, est confié à deux claviers, un violoncelle, une contrebasse, et un théorbe. Efficace, ductile, nuancé, il n’appelle que des éloges, en dehors du déséquilibre, préjudiciable au théorbe, pratiquement inaudible en dehors de son soutien, bienvenu, de « Gute Nacht » (Jesu, meine Freude).

Sans entrer dans le détail de chaque pièce, retenons que la direction choisit d’opposer les séquences de chaque motet comme autant de mouvements d’une symphonie.  Du « Singet dem Herrn ein neues Lied » retenons la fraîcheur, la légèreté, des sopranos tout particulièrement. L’ensemble est expressif sinon expressionniste par le recours à la plus large palette dynamique, des tempi, des articulations, des phrasés et des couleurs. On est surpris que la seconde partie du « Der Geist hilft unser Schwachheit auf », alla breve, soit prise avec une telle sagesse. Le célèbre « Jesu, meine Freude » laisse perplexe. La projection constante du verset 2, assortie d’une émission forcée des sopranos, dérange. Cette projection gouverne le choral suivant, au détriment du timbre, encore. Le premier trio (« Denn das Gesetz »), confié aux soli, s’ouvre sur le verset « Trotz » dont la fugue est rondement menée. Si le second trio est fort beau, le « Gute Nacht », à deux par partie, déçoit, pris dans un tempo très retenu, las, épuisé plus qu’apaisé, sans fraîcheur ni sérénité. Les chorals introductif et conclusif sont heureusement dépourvus de maniérisme, avec de beaux modelés. « Komm, Jesu, komm » est l’occasion de souligner son caractère dramatique, contrasté. Quant à « Fürchte dich nicht », la clarté de sa polyphonie, légère, articulée, avant la fugue magistrale qui s’ouvre en son exact milieu, est un réel bonheur. Enfin, le « Lobet den Herrn » est un miracle, avec sa grandiose double fugue prise à un tempo invraisemblable. « Denn seine Gnade und Wahrheit », retenu, d’une rare plénitude, nous émeut. Un magnifique bis, le « Mitten wir im Leben sind ». op 23 n°3, de Mendelssohn, récompense les acclamations d’un public, conquis. La ferveur, le recueillement, la force sont idéalement rendus. Un bonheur sans nuage était enfin au rendez-vous.

Raphaël Pichon a construit sa carrière sur une démarche où la volonté d’innover, quitte à provoquer. se marie à un sens aigu de la communication. Décaper, restaurer, avec des couleurs, des dessins, des reliefs neufs dérange. Ses indéniables qualités musicales et techniques lui permettent tout, servi par des chanteurs extraordinaires. Au sortir de ce concert, on demeure partagé. Hormis ce qui nous paraît un contresens interprétatif (la « jubilation » face à la mort), la direction, fiévreuse, tendue, contredit souvent la gravité, la sérénité du message musical. Si certaines scènes relèvent d’une dramatisation évidente, celle-ci prend trop souvent le pas sur l’apaisement auquel conduit le propos. L’enregistrement, attendu à la rentrée 2020-21, constituera certainement un événement.   

 

 

Commentaires

VOUS AIMEZ NOUS LIRE… SOUTENEZ-NOUS

Vous pouvez nous aider à garder un contenu de qualité et à nous développer. Partagez notre site et n’hésitez pas à faire un don.
Quel que soit le montant que vous donnez, nous vous remercions énormément et nous considérons cela comme un réel encouragement à poursuivre notre démarche.

Note ForumOpera.com

2

Note des lecteurs

()

Votre note

/5 ( avis)

Aucun vote actuellement

Infos sur l’œuvre

Détails

Johann Sebastian Bach
« Singet dem Herrn ein neues Lied » à 8 voix BWV 225

Giovanni Gabrieli
« Jubilate Deo » à 8 voix

Johann Sebastian Bach
« Der Geist hilft unser Schwachheit auf » à 8 voix BWV 226

Jacobus Gallus

« Ecce quomodo » à 8 voix

Johann Sebastian Bach
« Jesu meine Freude » à 5 voix BWV 227

Vincenzo Bertolusi
« Osculetor meo » à 7 voix

Johann Sebastian Bach
« Komm, Jesu, komm » à 8 voix BWV 229

Johann Sebastian Bach
« Fürchte dich nicht, ich bin bei dir » BWV 228

Hieronymus Praetorius
« Tulerunt Dominum meum » à 8 voix

Johann Sebastian Bach
« Lobet den Herrn alle Heiden » à 4 voix BWV 230

Ensemble Pygmalion

Direction musicale

Raphaël Pichon

Ambronay, Festival, Abbatiale, le 13 septembre 2019, 20h30

Nos derniers podcasts

Nos derniers swags

This be her Verse, par Golda Schultz et Jonathan Ware

La parole aux femmes
CDSWAG

Le Bourgeois Gentilhomme

Un gentilhomme en fête
CDSWAG

Debussy La Damoiselle élue

Lignes claires
CDSWAG

Les dernières interviews

Stanislas de Barbeyrac : « Il y aura peut-être un jour Tristan, si je suis sage »

Interview

Questionnaire de Proust – Sophie Koch : « Christian Thielemann compte beaucoup pour moi »

Interview

Sophie Koch : « Aborder Isolde, c’est être devant l’Everest »

Interview

Les derniers dossiers

Questionnaire de Proust

Dossier

Les grands entretiens de Charles Sigel

Dossier

Philippe Boesmans (1936 – 2022)

Dossier

Zapping

Vous pourriez être intéressé par :

Die Frau ohne Schatten – Baden-Baden

Le rêve de l’enfant
Kirill PETRENKO, Elza VAN DEN HEEVER
Spectacle

Test je peux pas publier 2 mais après oui

Spectacle

Test Editeur modifier sans relecture nécessaire

Spectacle

INSTANT LYRIQUE Alexandre Marcellier, Marie-Andrée Bouchard-Lesieur — Paris (Opéra Comique)

Les servantes écarlates
Marie-Andrée BOUCHARD-LESIEUR, Yoan BRAKHA, Alexandra MARCELLIER
Spectacle