Ces dernières saisons, le Metropolitan Opera a proposé L’Elisir d’amore à peu près tous les ans, signe de la popularité de cet ouvrage ,qui reste un des titres les plus accessibles à un public novice. Pour cette édition, Matthew Polenzani campe un Nemorino d’une exquise musicalité, nuançant avec intelligence l’émission. La voix est puissante, mais offre peu de couleurs, et les aigus sont un peu trop couverts, manquant de brillant : une voix plus mozartienne que belcantiste. Scéniquement, le ténor américain est un mélange idéal de gaucherie et de bonhommie, sans caricature.
L’Adina de Pretty Yende est pétulante à souhait, charmante. Le timbre est radieux, la voix semble couler comme une source. Dommage que la chanteuse soit privée de reprise, et donc de variations, dans sa cabalette finale : c’est un peu du gâchis. L’Elisir d’amore, c’est aussi (et d’abord) du belcanto.
La surprise ce soir vient surtout d’Ildebrando d’Arcangelo, qui renouvelle totalement l’approche dramatique de Dulcamara. Le rôle est habituellement confié à une « rondeur ». Souvent, le chanteur qui l’interprète a un peu dépassé la date de péremption, mais emporte la mise en jouant les bouffons. Rien de tel avec la basse italienne, ici dans la plénitude de ses moyens. On a rarement entendu le rôle aussi impeccablement chanté, avec des graves magnifiques, un timbre caractérisé et charmeur. Physiquement, le chanteur est superbe et son aisance scénique, son bagout, font penser à une version vocale de Jean-Paul Belmondo. Pour une fois, Adina pourrait être tentée de céder aux avances du beau Dottore.
© Karen Almond/Metropolitan Opera
Davide Luciano est un Belcore trompettant, au chant d’un grand naturel, et scéniquement impeccable. Passons sur la Giannetta de Ashley Emerson, peu audible.
La direction du jeune Domingo Hindoyan, est vive et pleine d’allant, avec un tempo inhabituellement rapide. L’orchestre répond au quart de tour et, ce qui aurait pu être une soirée un peu routinière, se révèle extrêmement plaisante.
On sera plus circonspect sur la production de Bartlett Sher. Scéniquement, Marie Anne de Savoie, reine consort de Lombardie-Vénétie, n’y trouverait rien à redire, si ce n’est un brin d’étonnement à cause de l’usage de l’électricité. Le décor est fait de toiles peintes, un peu gauchement exécutées et d’un cadre de scène qui vient boucher la vue des premiers rangs de côté. La production précédente nous semblait plus enjouée et, paradoxalement, plus moderne, mais ce n’est finalement pas si gênant. Cette nouvelle mise en scène vaut en revanche pour une direction d’acteurs de qualité, ce qui est généralement la règle au Met !