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Götterdämmerung — Munich

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Spectacle
27 juillet 2018
Sur la terre comme au ciel

Note ForumOpera.com

4

Infos sur l’œuvre

Götterdämmerung
Troisième journée du festival scénique Der Ring des Nibelungen
Musique et livret de Richard Wagner
Création le 17 août 1876 à Bayreuth

Détails

Mise en scène
Andreas Kriegenburg
Décors
Harald B. Thor
Costumes
Andrea Schraad
Lumières
Stefan Bolliger
Chorégraphie
Zenta Haerter
Dramaturgie
Marion Tiedtke
Olaf A. Schmitt

Siegfried
Stefan Vinke
Gunther
Markus Eiche
Hagen
Hans-Peter König
Alberich
John Lundgren
Brünnhilde
Nina Stemme
Gutrune
Anna Gabler
Waltraute
Okka von der Damerau
Woglinde
Hanna-Elisabeth Müller
Wellgunde
Rachael Wilson
Floßhilde
Jennifer Johnston
Erste Norn
Okka von der Damerau
Zweite Norn

Jennifer Johnston
Dritte Norn
Anna Gabler

Bayerisches Staatsorchester
Chor der Bayerischen Staatsoper
Chef des chœurs
Sören Eckhoff
Direction musicale
Kirill Petrenko

Festival de Munich, Nationaltheater, vendredi 27 juillet 2018, 16h30

Fin d’un cycle et fin des mondes, divin et terrestre, voilà qui pourrait résumer cet opus wagnérien. Pour sa conclusion, Andreas Kriegenburg transporte le spectateur dans un monde bien réel : les nornes y tissent leur fil entre les réfugiés d’une catastrophe climatique, politique et humanitaire que les chaines d’infos relatent en introduction. Le monde s’écroule et les nornes ne savent plus tisser le fil du destin dans un univers devenu totalement incertain. Les hommes ont pris leur liberté et ne savent pas en tirer profit. Le rocher de Brünnhilde où l’on retrouve notre couple de héros n’a rien ni d’un rocher, ni de la scène vêtue de rouge où l’on les quittait à la fin de Siegfried, ce n’est dorénavant qu’une modeste cabane en bois meublée d’un simple banc. Toute la magie a fui de ce monde, et Waltraute qui viendra bientôt nous apprendre la raison de cette disparition, arrive à pied et hésitante ; sa cotte de maille argentée de Walkyrie disparue, vêtue simplement d’une robe et manteau gris.

A l’opposé de ce modeste habitat en bois, on est transporté sur le Rhin devenue marée de travailleurs en costumes ternes, et dans laquelle Siegfried se perd, vers le palais des Gibichungen, siège clinquant d’une grande entreprise, toute de verre et de métal, peuplé d’œuvres d’art superficielles (Grane est ici un cheval saucissonné, les armures s’exposent en vitrine mais ne se portent plus). C’est ici que se passera tout le reste de l’action, le mariage entre Gutrune et Siegfried se finit en beuverie, et l’apparition des filles du Rhin est réduite à un rêve d’ivrogne. Dans ce palais, Gunther est évidemment le CEO oisif habillé en costume 3 pièces, qui viole sans honte ses femmes de ménage en public. Hagen est le numéro 2, aussi « richement » vêtu, et Gutrune une bimbo cynique aux robes affriolantes, dont la traine semble être l’incarnation de sa volonté (lorsqu’elle ligote Siegfried avec à l’acte I, lorsqu’elle recouvre son cadavre puis cherche à trainer celui de son frère). Quand Hagen lancera son appel belliqueux, c’est armé de leurs smartphones que les employés accourront. Face à eux, Brünnhilde ne quitte jamais sa noble et classique robe blanche, tandis que Siegfried troque sa défroque à bretelles de paysan pour un joli costume capitaliste apporté par Gutrune, qui masque ses tout nouveaux tatouages tribaux. C’est cagoulé du Tarnhelm qu’il ira violenter Brünnhilde : le terme n’est pas trop fort, leur lutte à coup de ceinturon machiste dans la cabane est remarquablement chorégraphiée, renforcée par l’apparition dans les interstices des seules mains des employés tenant les pans de bois de la cabane, mains qui semblent illustrer l’emprise et donc la menace du monde capitaliste sur ce refuge d’amour et d’eau fraiche.

 


© Wilfried Hösl

On remarquera que contrairement aux volets précédents, les figurants ont ici complètement disparus, remplacés par le chœur des employés, ils ne reviendront que sur les notes d’espoir du final (le leitmotiv de la rédemption par l’amour) pour entourer Gutrune, tous vêtus de lin blanc et probité candide. La mise-en-scène se plait à tisser des liens entre cet univers désenchanté et celui, fantastique, du reste du cycle : lorsque Siegfried mentionne Brünnhilde avant de boire le filtre, on voit Gutrune chevaucher parodiquement un gros euro à bascule, sa cavalière sera dorénavant vénale ; lors des scènes de conflits, les verres se brisent au sol comme chez Wotan et Fricka à l’acte II de La Walkyrie. Ce crépuscule des Dieux est aussi celui de ceux qui ont cherché à les imiter, les puissants humains, et c’est le monde capitaliste qui prends feu. Pendant la marche funéraire de Siegfried, les employés se révoltent et jettent par-dessus les passerelles toute leur laborieuse paperasse administrative. L’attaque est virulente mais ne semble pas gêner outre mesure un public habillé à 80% de la même façon que les « méchants » et venant au spectacle à deux pas de la Maximilian-Strasse, temple munichois de la consommation des produits de luxe dont les publicités sont reproduites sur scène, accompagnés en grosses lettres des mots « Lust » (désir) et « Gewinn » (profits). C’est une vision grandiose, lisible et très puissante, complètement en ligne avec ce que l’on sait des idées politiques de Wagner. On lui reproche seulement deux choses. Sa vision du rôle de Gutrune d’abord : elle retrouve un peu de l’importance dramatique de la Kriemhilde originelle, mais sans la passion morale dont Wagner a préféré habiller sa Brünnhilde. Elle est donc clairement complice et manipulatrice comme Gunther et Hagen, ce qui rend son inquiétude puis désespoir au dernier acte incompréhensibles. On regrette également qu’Hagen l’ait moins inspiré que Gunther et qu’il le laisse volontairement à une certaine immobilité observatrice que seul le meurtre de Siegfried vient rompre.

En forces aussi démiurgiques que cataclysmiques, le chœur et l’orchestre de l’Opéra de Bavière dirigés par Kirill Petrenko continuent d’épater par leur science du contraste, du détail comme du grandiose, du dramatique comme du massif.

Pour peupler cet univers ultra-signifiant, Stefan Vinke d’abord, dont le Siegfried certes toujours un peu nigaud pour le metteur en scène (son doigt coincé dans la bouteille de whisky, sa crainte de voir la boite de cigare se refermer sur sa main…) mais pour lequel Wagner a ménagé des situations dramatiques enfin variées, est ici bien plus inspiré et vaillant. Depuis le duo d’amour initial jusqu’au souvenir amoureux qui précède son meurtre, en passant par les nombreuses scènes de confrontation dans lesquelles il est clairement à la hauteur de son rôle d’heldentenor, tant dans le ton que dans la puissance vocale. Markus Eiche est beaucoup plus marquant en Gunther maléfique qu’il ne l’était en Donner du Prologue, comme si l’ambition théâtrale du personnage métamorphosait le chanteur. Pour Hagen, Hans-Peter König est imposant et sciemment monolithique, on déplore seulement quelques notes hasardeuses en fin de représentation. La scène d’apparition onirique d’Alberich est particulièrement réussie, notamment grâce à un toujours excellent John Lundgren. Anna Gabler est cependant une Gutrune qui manque de clareté, et dont la voix qui, devrait évoquer celle de Freia, est trop centrale, mais on convient que sonner comme une jeune vierge naïve alors que le spectacle fait de vous une vamp sans scrupule n’a rien d’évident. En Waltraute, Okka von der Damerau trouve enfin un rôle idoine pour sa voix de mezzo aigu et nous livre un récit palpitant suivi d’une dispute gigantomachique avec Brünnhilde. Sa tessiture n’est d’ailleurs pas si éloignée de celle de Nina Stemme qui finit ce soir de nous époustoufler. Quel superlatif pourrait vraiment qualifier sa performance ? Chanter à un tel niveau de maîtrise technique (qui lui permet tout du long de passer du forte au piano sans heurts), avec une telle intensité (qui semble vouloir combattre l’orchestre, et pas besoin ce soir de se chauffer avant d’atteindre les sommets, dès le début c’est prodigieux), et une telle pertinence dramatique (la sobriété éloquente de son regard et de sa posture quand elle s’aperçoit que ce n’est pas Siegfried qui traverse les flammes) et prosodique (même au disque, le texte de la lutte avec Siegfried ne nous avait pas autant claqué aux oreilles), c’est tout bonnement inconcevable. Il faut vraiment avoir vécu l’impact physique et émotionnel qu’elle génère pour le comprendre, et finir à court de mots. A de tels sommets lyriques, la chute des mondes n’en est que plus vertigineuse et le public réserve une standing ovation à sa décidemment surhumaine Valkyrie.

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Création le 17 août 1876 à Bayreuth

Détails

Mise en scène
Andreas Kriegenburg
Décors
Harald B. Thor
Costumes
Andrea Schraad
Lumières
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Chorégraphie
Zenta Haerter
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Olaf A. Schmitt

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Stefan Vinke
Gunther
Markus Eiche
Hagen
Hans-Peter König
Alberich
John Lundgren
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Nina Stemme
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Waltraute
Okka von der Damerau
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Zweite Norn

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