Le Concours Opéra Jeunes espoirs d’ Avignon n’échappe pas à l’érosion provoquée par la pandémie et les contraintes qui en découlent. 94 étaient inscrits, de 15 nationalités. Des 85 candidats présents aux épreuves, 37 ont accédé à la demi-finale, et 14 aux dernières épreuves. Outre les initiateurs du concours (l’infatigable Raymond Duffaut, Monique Albergati et le Directeur de l’Opéra du Grand-Avignon, maintenant Frédéric Roels), le jury s’est attaché pour cette édition la soprano Amel Brahim-Djelloul, la bien connue Judith Chaine, Lucie Leguay, cheffe, Yves Senn, le fidèle Neufchatellois, et Richard Martet, d’Opéra Magazine.
Du jeudi 21 au dimanche 24, on n’a pas compté les heures d’audition : les épreuves – au plein sens du terme – ne concernaient pas seulement les candidats ; Hélène Blanic et Ayaka Niwano, remarquables accompagnatrices, déjà, mais aussi le jury comme les nombreux auditeurs qui se pressaient dans la belle salle de l’opéra, rénové. Les satisfactions récompensèrent chacun, car la variété les morceaux choisis, des talents, permit de parcourir un large paysage chargé de séductions nombreuses.
L’originalité du concours, bisannuel, réside en sa division en trois catégories : « Jeune espoir » pour les candidats âgés de 16 à 18 ans, « Jeune talent » pour les 19-22 ans, et « Révélation » pour les 23-26 ans. Il permet ainsi d’accompagner les plus jeunes et de favoriser leur épanouissement. Sa faiblesse – qui peut se targuer d’en être dépourvu ? – est liée à la liberté totale qu’ont les candidats de choisir leurs œuvres (moins de 6 minutes, dont une au moins en français). En effet, comment apprécier et départager deux candidats qui, lors des demi-finales, vont produire des œuvres de styles, d’exigences techniques, de durées aussi variés ? Il serait bienvenu qu’une œuvre imposée, à choisir dans une liste pertinente adaptée à chaque catégorie, facilite le travail du jury, tout en élargissant, le cas échéant, le répertoire de chacun. Mais là n’est pas l’essentiel. Malgré le resserrement des candidatures, 2021 sera un très bon millésime. Du palmarès, qui a été publié (Palmarès du 6ème Concours Opéra – Jeunes espoirs / Raymond Duffaut), nous retiendrons plus particulièrement les noms suivants, figurant ou non parmi les lauréats :
Eugénie Joneau, mezzo-soprano de 26 ans, a une émission chaude, sombre, puissante, et un sens musical rare ; elle avait déjà fait sensation aux épreuves précédentes. La séguédille de Carmen, puis « O don fatale » (Don Carlo), où Eboli, tourmentée par son forfait, passe du dégoût à la tendresse, traduisent des moyens exceptionnels. Juliette Mey, 21 ans, est aussi une mezzo de tempérament. Remarquable dans toutes les épreuves, Son «Non più mesta» (La Cenerentola) lui permet d’éblouir par son agilité, sa large tessiture et sa projection. « Nobles seigneurs, salut ! » (air d’Urbain, des Huguenots) confirme toutes ses qualités. D’une autre mezzo – Axelle Saint-Cirel, nous retiendrons « Oh la pitoyable aventure » que chante Concepcion dans l’Heure espagnole. Le timbre corsé, le jeu sont en parfaite adéquation au personnage. Deux sopranos figurent au palmarès, qui auraient pu briguer les premiers prix. Dans la catégorie Jeune espoir, Mathilde Guedj, 18 ans, nous avait ravi dans l’air de Cléopâtre (Giulio Cesare, de Haendel), lors des épreuves précédentes. Loin d’être cantonnée dans un style et une technique baroques irréprochables, elle nous a valu un air de Puccini (« Storiella d’amore ») puis la valse de Juliette du Roméo et Juliette de Gounod particulièrement prometteurs. On a adoré la Laetitia (The old Maid and the Thief, de Menotti) de Marion Bauwens, soprano belge de 24 ans, puis son « Air des bijoux », et, enfin, Juhee Kang, soprano coréenne, 25 ans, qui avait fait très forte impression lors des demi-finales, et ne figure pas au palmarès. La conduite de son air de Juliette (I Capuleti e I Montecchi, Bellini) était pourtant superbe, la palette large, le chant sonore, sensible et articulé, le jeu exemplaire. Un nom à retenir, certainement. Sans remettre en cause l’autorité du jury, les prestations de ces dernières n’avaient rien à envier à celles des lauréats. C’est le lot de tous les concours de devoir trancher, parfois douloureusement… Les voix masculines ayant atteint la finale (deux ténors et deux barytons) nous ont paru en retrait de celles des femmes, malgré les indéniables qualités d’Adrian Autard (un bel Ottavio, sensible et viril, puis Tamino et enfin Gérald) comme de Bruno Khouri et d’Auguste Truel.