On aime l’opérette à Marseille. Il existe, au haut de la Canebière, un théâtre unique en France dans lequel on donne pas moins de huit opérettes par saison. Cet ancien cinéma transformé en théâtre s’appelle l’Odéon.
Pour s’y rendre, les amateurs remontent leur Cane-Cane-Canebière. Ils aiment leur Odéon-on-on autant que la Mascotte aime ses moutons-on-on. Pendant le spectacle, ils frappent dans leurs mains quand la musique le réclame. A la fin, ils attendent les artistes pour les féliciter – ce qu’on ne fait plus à l’Opéra, tant il est urgent de prendre son dernier métro. Toute une ambiance marseillaise ! Parmi ces amateurs, nous avons vu un certain nombre de jeunes. Quoi, l’opérette rajeunirait-elle sa clientèle ? Ce serait une bonne nouvelle.
Nous avons assisté à la Vie parisienne.
Le moins qu’on puisse dire est que cette opérette est à la mode. Tout le monde a entendu parler récemment de celle du Théâtre des Champs Elysées. Ce qui différencie cette Vie parisienne parisienne de la Vie parisienne marseillaise est que la première a fait l’objet d’une reconstitution musicologique tandis que la marseillaise se contente d’être conforme à la tradition. Cela suffit à notre plaisir. On y retrouve l’air célèbre « Je suis gris » qui a disparu dans la version des Champs Elysées. Cela lui redonne des couleurs !
La mise en scène à Marseille, due à Olivier Lepelletier, est rythmée, vive, enlevée, de bon goût. Tout y est drôle sans tomber dans la gaudriole, amusant sans verser dans la trivialité. On y entend le jingle de la SNCF à l’arrivée du train ; le Brésilien apparaît en rock-star ou en fantôme de l’opéra ; une image du plafond de Chagall de l’Opéra de Paris passe sous forme de nuage ; une comtesse arrive sous le nom d’’Astra-Zeneca. On sourit de bon coeur.
La distribution est dominée par Philippe Ermelier, interprète du Baron chasseur de cocottes. Il s’affirme, drôle, imposant, bien en voix. Il fait partie de ces artistes qui, par leur personnalité-même, incarnent l’opérette. Une autre artiste est la même espèce, c’est la pétillante Julie Morgane, interprète de Pauline. Elle entre en scène et elle EST l’opérette !
La belle ambiance de la Vie Parisienne © Christian Dresse
Dans cette distribution, tous parlent ou chantent un français compréhensible. Ça fait plaisir. Sans chanter avec des « voix d’opéra », ils sont avant tout ce que demandait Offenbach, à savoir des « acteurs chantants ». Ainsi a-t-on applaudi la belle soprano Julia Knecht en Gabrielle, cette flamme chantante qu’est Laurence Janot en diva Métella, Kathia Blas en Baronne. Côté hommes, voici Marc Larcher, à la voix chaude, Brésilien tourbillonnant, voilà deux ténors qui, en Gardefeu et Bobinet, imposent la jeunesse de leur présence et celle de leur voix : Alfred Bironien et Samy Camps. Sans oublier le ténor Jean-Christophe Born.
Dans la fosse, le chef Emmanuel Trenque donne du rythme à cette musique qui trépigne d’impatience de répandre sa joie.
Un regret toutefois : l’absence de french cancan dansé. Même s’il n’existait pas à la création de l’ouvrage en 1866, la tradition l’a imposé. On l’attendait d’autant plus que le metteur en scène Olivier Lepelletier est également régisseur général du Moulin Rouge à Paris.
Et c’est ainsi que la Canebière fut sans cancan…