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Die Walküre — Paris (Bastille)

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Spectacle
31 mai 2010
La musique au-delà des mots

Note ForumOpera.com

3

Infos sur l’œuvre

Première partie du festival scénique en quatre journées Der Ring des Nibelungen (L’Anneau du Nibelung) sur un livret du compositeur. Création sur l’ordre de Louis II de Bavière en l’absence de Wagner, le 26 juin 1870, au Königliches Hof und Nationaltheater de Munich (précédé de la reprise de Rheingold), puis au Festspielhaus de Bayreuth le 14 août 1876.

Détails

Mise en scène, Günter Krämer
Décors, Jürgen Bäckmann
Costumes, Falk Bauer
Lumières, Diego Leetz
Mouvements chorégraphiques, Otto Pichler
Robert Dean Smith, Siegmund
Günther Groissböck, Hunding
Thomas Johannes Mayer, Wotan
Ricarda Merbeth, Sieglinde
Katarina Dalayman, Brünnhilde
Yvonne Naef, Fricka
Marjorie Owens, Gerhilde
Gertrud Wittinger, Ortlinde
Silvia Hablowetz, Waltraute
Wiebke Lehmkuhl, Schwertleite
Barbara Morihien, Helmwige
Helene Ranada, Siegrune
Nicole Piccolomini, Grimgerde
Atala Schöck, Rossweisse
Gertrud Wittinger, Ortlinde
Direction musicale : Philippe Jordan
Orchestre de l’Opéra national de Paris
Opéra de Paris Bastille, le 31 mai 2010, 18 heures

A l’ouverture du rideau de ce deuxième volet de la Tétralogie, nous ne sommes pas dépaysé, nous retrouvons le fil conducteur de L’Or du RhinGünther Krämer avait donné à voir, en plus des dieux et des nains, les ondins du Rhin et le peuple des géants, mettant ainsi en lumière les différentes communautés victimes du non respect des traités par celui qui en était le garant, Wotan. Très critiquée par les médias, cette mise en scène de La Walkyrie nous parait plus élaborée qu’on a bien pu le lire. Pour preuve, les ouvertures de rideau de chacun des trois actes.

 

Durant le prélude orchestral, le passé de Siegmund, présenté en arrière-scène, a le mérite d’exposer la situation de guerre permanente dans laquelle ont grandi les jumeaux. Au lever du rideau du deuxième acte, le second plan est occupé par un escalier monumental de la largeur de la scène qui descend dans les dessous et qu’un miroir oblique de la même largeur, déjà utilisé pour le premier tableau de Rheingold, reflète entièrement, ainsi que l’avant scène, si bien que l’on peut suivre l’action en double, de face et de dos. L’ensemble, très élaboré, est magnifique. Et là, nous découvrons une scène qui n’existe pas dans le livret (Wotan et Brünnhilde sont seuls normalement) mais qui évoque la joie qui règne au Walhalla en l’absence de Fricka. Enfin, au troisième acte, le rideau découvre une morgue. Un cyclorama translucide laisse apercevoir au lointain une armée fantomatique de guerriers argentés en train de manœuvrer en cadence. Au premier plan, les cadavres sanguinolents de héros sélectionnés sur les champs de bataille gisent sur des tables de dissection et sont lavés par les Walkyries premières arrivées. La toilette terminée, elles les ressuscitent avec des gestes cabalistiques. Ils quittent alors la salle tandis que les autres Walkyries continuent d’arriver, traînant derrière elles de nouveaux morts enveloppés de couvertures qui remplacent les précédents sur les tables de dissection. La scène pourrait être sordide mais il y règne une telle effervescence, les jeunes filles semblent prendre tant de plaisir à leur ouvrage qu’on est conquis, et cela d’autant plus que le tableau vivant, à l’arrière-plan, est d’une grande beauté.

 

Parmi d’autres belles images, mentionnons cet instant où Siegmund décide d’attendre le retour de Hunding. Le rideau noir qui masquait l’arrière plan laisse place à une paroi oblique translucide le long de laquelle coule de l’eau, du plus bel effet. On n’en aperçoit d’abord que quelques reflets, puis, une fois les jumeaux face à face, elle devient argentée, puis dorée, exprimant l’intensité de leur amour. Ou encore l’apparition au lointain, quand Siegmund célèbre le printemps, d’une lune disproportionnée et d’une pommeraie en fleurs où les Walkyries à demi dissimulées dansent une sorte de ballet au ralenti. L’influence de Chéreau, ici comme à bien d’autres moments, est évidente, mais personne ne peut ignorer ce Ring qui était fondateur1.

 

En fait, les défauts relevés par la plupart des critiques ne sont peut-être pas ceux que nous déplorons. Il apparaît clairement que cette production est le résultat d’un travail d’équipe intégrant les chanteurs ; des chanteurs qui ont été respectés jusqu’à limiter au premier plan, à quelques exceptions près, le périmètre de leur chant, ce qui aboutit à une mise en scène frontale proche du Rampentheater. Les interprètes ont beau être totalement investis dans leurs personnages, les distances sont telles, à l’Opéra Bastille, que l’immense majorité des spectateurs ne peut saisir l’expression de leur visage. Le sous-titrage, leur attitude en scène et le soutien apporté par l’orchestre permettent cependant de décrypter les finesses de leur jeu mais plus on est éloigné de la scène, plus cela nécessite de concentration de la part du spectateur. Est-ce cette frontalité qui, créant une monotonie, explique en partie les huées à l’intention l’équipe de réalisation lors des saluts ? La raison de cette mise en aplat est-elle due au souci d’équilibrer les voix et l’orchestre ? Peut-être. Toujours est-il que, selon nous, c’est ce Rampentheater qui nuit vraiment à la qualité du spectacle.

 

A côté des scènes de groupe que Philippe Jordan qualifierait de monumentales, il y a les longs moments intimistes entre deux ou trois personnages que l’excellente direction d’acteurs de Günther Krämer permet d’apprécier. Dans la fosse, l’orchestre alors se surpasse. La direction de son jeune chef si sensible et si délicate, sort totalement des sentiers battus et propose courageusement une interprétation non conventionnelle, à l’opposé de certains poncifs germaniques. Toute en douceur, toute en nuances, elle met admirablement en valeur les instruments solistes qui dialoguent avec le chant, soulignant la dimension chambriste de la partition. Les moments épiques ressortent d’autant mieux que le contraste est grand. Les tempi, souvent lents, voire très lents, ne cassent jamais le rythme, bien au contraire, les phrasés sont d’une grande expressivité et les nombreux rubati, à l’intérieur de la mesure, accentuent le caractère élégiaque des scènes d’amour entre les jumeaux, comme celui de l’amour paternel et filial qui lient Wotan et Brünnhilde.

 

Lorsque Sieglinde offre à boire à son hôte exténué et que tous deux partagent à deux reprises ce nouveau philtre – Tristan n’est pas loin et Günther Krämer sait lui aussi nous le rappeler –, le thème de leur amour est lentement réexposé par le violoncelle solo avec un lyrisme et une plénitude qui tirent les larmes. A la fin du récit de Siegmund, sur les paroles adressée à Sieglinde « Nun weisst Du, fragende Frau, warum ich Friedmund nicht heisse »2, le thème des Wälsungen prend, sous la baguette du chef, le caractère d’un véritable lamento. Durant le bref intermède musical qui fait suite à la sortie de Hunding, Philippe Jordan sait mettre en valeur l’extraordinaire complexité rythmique de la partition et son aspect funèbre, avec des roulements de timbales d’une grande précision, évoluant du mezzo forte au silence en passant par un pianissimo à peine audible tant il est délicat. Les exemples de sa subtilité abondent, on aimerait tous les détailler. La concentration du chef et de ses musiciens ne se relâche jamais et les couleurs instrumentales sont d’une rare beauté.

 

Côté distribution, cette Walkyrie possède une grande unité de volume, de style, d’articulation, d’interprétation musicale et scénique. Chacun donne le meilleur de soi, et même si les voix n’ont pas toutes une qualité exceptionnelle, on prend un grand plaisir à les écouter. C’est Thomas Johannes Mayer qui interprète le Wotan de cette première, au lieu de Falk Struckmann, initialement prévu, et il crée la surprise. Son personnage est beaucoup plus convaincant que celui de son confrère dans L’Or du Rhin,qui campait un personnage vaniteux, cruel, avide et têtu, sans la moindre trace de tendresse ou de compassion. Il est en fait  très proche de celui de Donald McIntyre dans la production de Chéreau, incarnant magistralement les deux faces du dieu, la divine et l’humaine, sa force et sa faiblesse, sa mauvaise et sa bonne foi, son mépris et son amour des autres. Vocalement, la voix est plus ronde, le timbre est plus riche, on aimerait l’entendre dans le Wanderer mais le volume n’est pas encore suffisant, question de temps, sans doute. L’autre bonheur vocal, qui, lui, n’est pas une surprise, nous est procuré par Günther Groissböck en Hunding. Dans L’Or du Rhin, il avait su nous montrer la métamorphose de Fafner sous l’emprise de l’anneau, le passage du bon géant fraternel qui incarnait pour son peuple l’ordre et la justice en obsessionnel fratricide. Son personnage est ici glaçant de noirceur, de cruauté et de sadisme. Les qualités de son chant éclatent de la même manière que dans l’épisode précédent, bien que l’écriture le prive de tout lyrisme.

 

Robert Dean Smith et Ricarda Merbeth sont totalement convaincants dans leur rôle de jumeaux demi-dieux abandonnés des hommes et des dieux. Ils savent trouver les tonalités affectueuses qui traduisent leur compassion réciproque. Portée par l’accompagnement inspiré de Philippe Jordan, leur passion n’éclate pas de façon effrénée mais grandit doucement, avec une pudeur touchante.

 

Katarina Dalayman, qui sera également Brünnhilde dans les deux dernières journées, fait preuve elle aussi d’une sûreté à toute épreuve, même si le timbre n’a rien d’exceptionnel. C’est par la manière dont elle exprime son amour filial et fraternel qu’elle nous émeut profondément. Ainsi interprété, le rapport si complexe qu’elle entretient avec son père nous apparaît comme totalement décrypté. Dans ces conditions, on regrette d’autant plus le costume disgracieux dont, seule de tous les interprètes, elle est affublée, pour une raison mystérieuse mais indéfendable.

 

La Fricka de Yvonne Naef, qui, comme Robert Dean Smith et Ricarda Merbeth, fait une prestation vocale tout à fait honorable, est plus conventionnelle et moins raffinée que celle de Sophie Koch dans Rheingold (nous la retrouverons l’année prochaine dans Waltraute du Crépuscule) mais cette interprétation n’est-elle pas voulue par le metteur en scène ? En effet, cette Fricka évoque davantage la matrone castratrice que la déesse garante de la légalité et de la fidélité à la parole donnée.

 

Enfin les huit Walkyries, jeunes déesses heureuses de vivre plutôt que viragos, sont vocalement bien distribuées et incarnent, comme on l’a déjà dit, des personnages particulièrement vivants donc attachants.

 

Etant donné l’unité de conception qui a présidé aux deux premières journées du festival scénique, nous n’avons plus aucun doute concernant les deux dernières à venir. Mieux, nous les attendons avec impatience.

 

 

 

1 Les DVD de la célèbre production Boulez/Chéreau/Peduzzi de la Tétralogie du Centenaire à Bayreuth (1976-1980), Der Ring des Nibelungen, édités par Deutsche Grammophon, sont toujours disponibles sur Amazon [et sans doute ailleurs]. C’est Chéreau lui-même qui a filmé sa mise en scène en juin 1980.

2 Maintenant tu sais, ô femme qui m’a interrogé, pourquoi mon nom n’est pas Messager de Paix.

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Première partie du festival scénique en quatre journées Der Ring des Nibelungen (L’Anneau du Nibelung) sur un livret du compositeur. Création sur l’ordre de Louis II de Bavière en l’absence de Wagner, le 26 juin 1870, au Königliches Hof und Nationaltheater de Munich (précédé de la reprise de Rheingold), puis au Festspielhaus de Bayreuth le 14 août 1876.

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Mise en scène, Günter Krämer
Décors, Jürgen Bäckmann
Costumes, Falk Bauer
Lumières, Diego Leetz
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