A l’occasion de la rediffusion en streaming de La fille du régiment (visible du 30 juin 01h30 heure de Paris jusqu’au 1er juillet 00h30 sur le site du MET), nous vous proposons de relire ci-après le compte rendu de la représentation du 26 février 2019 .
S’il est coutumier du fait, cela ne retire rien à son panache. Javier Camarena triomphe en ce moment au Metropolitan Opera et dès ce samedi, 2 mars, dans les cinémas du monde. Un triomphe amplement mérité. Son Tonio tutoie la perfection : composition scénique de simplet attachant, timbre brillant, morbidezza et surtout un aigu rayonnant et sonore. Forcément le public en redemande, le ténor mexicain s’exécute et affole les compteurs : neuf contre-uts de l’aria que multiplie le bis, et comme le chanteur, aussi facétieux que généreux, s’amuse à égrainer les syllabes de « et mari » après le dernier ut du « militaire » cela ajoute techniquement 3 nouvelles notes. 18 + 3 = Javier Camarena. Il ne faut pourtant pas réduire la soirée à ce climax et l’air du deuxième acte fait montre d’autant de qualités : phrasé et couleurs au diapason de la supplique du personnage.
Pretty Yende séduit tout à fait dans les airs lents « il faut partir » ou « quand le destin », qui lui laissent déployer une jolie palette vecteur de la sensibilité à fleur de peau de son personnage. Etrangement et alors que les ses variations sont inventives et généreuses en termes de virtuosité, on la sent plus précautionneuse dans les parties plus rapides. Il faut dire que le volume et la projection de la soprano sud-africaine sont plus limitées que celles de ses principaux partenaires. En scène, sans atteindre le niveau de folie douce d’une Natalie Dessay, elle fait sienne la proposition de Laurent Pelly jusqu’à ajouter un monologue en zulu au moment d’éplucher les patates à l’acte un.
© Metropolitan Opera
Maurizio Muraro se glisse comme dans une seconde peau dans le rôle et l’uniforme ventripotent de Sulpice. Stephanie Blythe, taulière de la scène new-yorkaise, n’aime rien tant que ces rôles de composition comique où son charisme et ses décibels font mouche. Enfin, le Metropolitan Opera, fidèle à sa tradition patrimoniale, a proposé à Kathleen Turner de donner les répliques de la Duchesse de Krakenthorp. Le public exulte et salue l’entrée en scène de la star de cinéma. Surement n’y a-t-il aucun problème à la comprendre grâce au système de surtitrage mais les francophones en seront pour leur frais. Dommage quand on est une actrice de cette envergure.
En fosse on sent Enrique Mazzola un temps distrait par les caméras en répétition pour le live du samedi. La mayonnaise de l’ouverture tarde à prendre pour ne s’épanouir quand dans les dernières mesures. Mais le reste de la soirée apporte toute satisfaction : justesse des tempi retenus et équilibre avec le plateau.
Faut-il encore ajouter un ligne sur la production de Laurent Pelly, vue partout dans le monde, entendue avec tous les chanteurs s’étant mesurés à l’œuvre cette décennie passée ? Peut-être tout simplement que son génie vient justement du fait que, sortie de sa trame comique inventive, elle laisse de la place aux individualités des chanteurs : le zulu pour Pretty Yende donc, et les « metropolitan obligations » (jeu de mot sur le Met bien entendu) venues remplacer les « obligations olympiques » des années 2000.
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