Ouverture de la Fanciulla del West au Teatro alla Scala : nous sommes devant la projection d’un western dans un vieux cinéma palais typique des Etat-Unis. Sur les dernières notes, la mention « the end » apparaît et le rideau tombe. L’assistance se lève, c’est le chœur des mineurs enamourés de Minnie. Pas de doute, il s’agit bien d’une mise en scène de Robert Carsen : le début à la fin, la mise en abyme de l’action et des images d’Épinal qui bien souvent ne sont là que pour flatter l’œil plutôt que servir le drame. Non l’Arizona de Monument Valley n’a rien à voir avec les Sierra de la Californie du Nord et on est bien en peine de comprendre comment il peut neiger en plein désert au second acte… Le summum de la paresse est atteint au troisième acte où Robert Carsen fait passer le happy end final au moyen d’un expédient cousu de fil blanc. En deux ex-machina, Minnie apparaît endimanchée à la sortie du cinéma (fort beau décor au demeurant) et les mineurs rentrent voir leur séance. En somme, une mise en scène spaghetti qui sent déjà le réchauffé.
Ce fil rouge du cinéma est renforcé par les chanteurs presque à leur corps défendant. Outre un jeu expressionniste qui trahit un manque de direction d’acteur, c’est surtout le format vocal du couple principal qui pose problème. Barbara Haveman, appelée en remplacement de Eva-Maria Westbroek souffrante, fait ce qu’elle peut avec des moyens insuffisants pour défendre pleinement le rôle. Elle est noyée dans le medium et atteint les aigus qui parsèment le rôle sans tenir les valeurs des notes. La prestation manque d’impact et de lyrisme, notamment dans la scène finale où le chef maintient le chœur et l’orchestre en sourdine pour lui permettre de passer la rampe. Son Dick Johnson est plus sonore et c’est bien là le problème. Le chant de Roberto Aronica est fruste, le timbre nasal. De plus, un habile jonglage entre les versions de l’oeuvre lui permet d’escamoter certaines difficultés, notamment lorsqu’au deuxième acte « una parola sola » est raccourci de ses dernières mesures. Claudio Sgura confirme en revanche, dans la suite des représentations de Paris, qu’il est un Jack Rance convaincant. Si le timbre manque de noirceur, il met à profit sa couleur claire pour dépeindre un personnage veule. Dans le cortège des mineurs, le Sonora d’Alessandro Luongo, et le Wallace de Davide Fersini tirent leur épingle du jeu quand Carlo Bosi (Nick un peu acide) et Gabriele Sagona (Ashby en manque de projection) rejoignent le niveau de chant assez faible de la soirée. L’effet de groupe fonctionne bien secondé par un chœur au style léché.
Ce qu’il manque de lyrisme sur scène, la fosse le compense par des violons soyeux, des flutes et clarinettes douces, et deux harpes bien mises en avant. La tension et l’impact que les chanteurs ne peuvent transmettre, Riccardo Chailly la construit patiemment à l’aide des percussions, violoncelles et contrebasses dont les attaques sont d’une précision redoutable. Aussi la soirée, qui aurait pu être longuette, est sauvée par cette direction d’orfèvre.