Forum Opéra

La clemenza di Tito — Paris (TCE)

Partager sur :
Partager sur facebook
Partager sur twitter
Partager sur linkedin
Partager sur pinterest
Partager sur whatsapp
Partager sur email
Partager sur print
Spectacle
15 septembre 2017
Teodor Currentzis, génie ou esbroufe ?

Note ForumOpera.com

2

Infos sur l’œuvre

Opera seria en deux actes (1791)

Livret de Caterino Mazzolà d’après Metastasio et Cinna de Pierre Corneille

Version de concert

Détails

Tito

Maximilian Schmitt

Vitellia

Karina Gauvin

Servilia

Anna Lucia Richter

Sesto

Stéphanie d’Oustrac

Annio

Jeanine de Bique

Publio

Willard White

Choeur de l’Opéra de Perm

Orchestre Musica Aeterna

Direction musicale

Teodor Currentzis

Paris, Théâtre des Champs-Elysées, vendredi 15 septembre 2017, 20 heures.

La Clemenza di Tito souffre d’une certaine incompréhension de la part du public et de la critique. Exacte contemporaine de La Flûte enchantée, qui nous apparait aujourd’hui comme profondément moderne, l’oeuvre est vue comme un opera seria un peu démodé, dont l’existence ferait presque tache dans la carrière du compositeur. On tentera de l’excuser en expliquant qu’il s’agissait d’une oeuvre de commande (comme la plupart des opéras de cette époque) et l’on assènera que la première fut un échec (ce qui est loin d’être prouvé). Sur la forme, l’ouvrage apporte pourtant son lot de nouveautés, avec une action resserrée en deux actes, et un livret de Caterino Mazzolà qui ne retient que 11 des 25 arias de l’original de Metastase, écrit plus de 50 ans auparavant (et qui inspira une quarantaine d’opéras !). Comme le souligne Vincent Borel dans le programme de salle, La Clemenza est aussi le pendant de La Flûte. On y trouve des allusions musicales à la maçonnerie (les trois roulements initiaux de l’ouverture du premier ouvrage, qui font écho aux trois accords initiaux de celle du second) et le personnage de Tito est de la même stature morale que celui de Sarastro. L’ouvrage fut composé pour le couronnement de Léopold II, empereur du Saint-Empire, au trône de Bohème. Souverain éclairé, Léopold avait été, par exemple, le premier à interdire définitivement la peine de mort lorsqu’il était Grand-Duc de Toscane. Léopold était aussi le frère de Marie-Antoinette, arrêtée trois mois plus tôt à Varennes par une révolution d’inspiration maçonnique. Dans ces conditions, la clémence dont fait preuve Titus, qui n’est qu’une figuration de Léopold, prend, sous la plume du maçon Mozart, une résonance toute particulière.

Tout cela pour dire que la Clemenza n’est pas un ouvrage composé au hasard et à la va-vite. Dans ces conditions, on reste circonspect devant les « améliorations » musicales apportées à la partition par Teodor Currentzis. On avait l’habitude (hélas) des metteurs en scène modifiant les oeuvres qu’ils montent : il faudra dorénavant se méfier des chefs d’orchestre. Considérant que les récitatifs ne sont (peut-être) pas de la main de Mozart mais de celle de son élève Süssmayr, le chef grec les supprime quasi intégralement, ce qui donne lieu à des ruptures musicales parfois gênantes entre les scènes. Currentzis choisit également de compléter l’ouvrage avec une vingtaine de minutes de musique extraites de la Messe en ut mineur (« Laudamus te », « Kyrie », « Qui tollis ») qui viennent s’intercaler entre deux airs. Enfin, il conclut l’opéra en ajoutant la Musique funèbre maçonnique (ce qui n’aurait surement pas été du goût de Léopold). Le chef impose également, dès l’ouverture, un continuo envahissant, parfois à la limite du concerto pour pianoforte, avec également quelques instruments exotiques (guitare baroque, théorbe). Mais c’est dans la direction elle-même que se manifeste une trahison plus subtile : les tempi changent à chaque mesure, avec des accélérations et des ralentis à donner le mal de mer. De longs silences viennent s’intercaler entre deux phrases. Omniprésent, le chef accompagne les chanteurs de la bouche et de la baguette, l’orchestre le suivant avec une précision incroyable. Il faut reconnaitre que cette phalange est d’un très haut niveau. A défaut d’une reprise de la mise en scène créée par Peter Sellars pour Salzbourg dans les mêmes conditions musicales, des éclairages savamment étudiées cherchent à créer une ambiance de recueillement. Le chef lui-même n’entre en scène que longtemps après tous les autres, dans le silence et la pénombre. Génie ou esbroufe égotique ? Une chose est sure : ce n’est plus du Mozart, mais cela reste une expérience unique et captivante, entièrement construite autour de la personnalité du chef et non de l’oeuvre qu’il est supposé servir.

Maximilian Schmitt est un Tito musical, à la voix bien conduite. Avec des notes émises en mixte dès le haut médium,  la voix manque du brillant et du mordant que l’on attend d’un empereur romain. Karina Gauvin est souvent à la peine dans le registre aigu (en particulier dans son deuxième air) mais le timbre reste superbe et l’artiste d’une grande prestance. Stéphanie d’Oustrac démarre mal, avec une voix un peu sèche et des attaques qui semblent buter dans la gorge, mais l’artiste se rattrappe avec un superbe « Parto », anthologique dans ce contexte. L’insertion du « Laudamus te » donne l’occasion à Anna Lucia Richter de séduire par la fraicheur de son timbre et la musicalité de son expression. Jeanine de Bique bénéficie de l’ajout du « Kyrie » auquel elle apporte un beau timbre. Willard White joue les utilités en Publio avec une voix un peu usée et une projection désormais limitée.

Commentaires

VOUS AIMEZ NOUS LIRE… SOUTENEZ-NOUS

Vous pouvez nous aider à garder un contenu de qualité et à nous développer. Partagez notre site et n’hésitez pas à faire un don.
Quel que soit le montant que vous donnez, nous vous remercions énormément et nous considérons cela comme un réel encouragement à poursuivre notre démarche.

Note ForumOpera.com

2

Note des lecteurs

()

Votre note

/5 ( avis)

Aucun vote actuellement

Infos sur l’œuvre

Opera seria en deux actes (1791)

Livret de Caterino Mazzolà d’après Metastasio et Cinna de Pierre Corneille

Version de concert

Détails

Tito

Maximilian Schmitt

Vitellia

Karina Gauvin

Servilia

Anna Lucia Richter

Sesto

Stéphanie d’Oustrac

Annio

Jeanine de Bique

Publio

Willard White

Choeur de l’Opéra de Perm

Orchestre Musica Aeterna

Direction musicale

Teodor Currentzis

Paris, Théâtre des Champs-Elysées, vendredi 15 septembre 2017, 20 heures.

Nos derniers podcasts

Nos derniers swags

This be her Verse, par Golda Schultz et Jonathan Ware

La parole aux femmes
CDSWAG

Le Bourgeois Gentilhomme

Un gentilhomme en fête
CDSWAG

Debussy La Damoiselle élue

Lignes claires
CDSWAG

Les dernières interviews

Stanislas de Barbeyrac : « Il y aura peut-être un jour Tristan, si je suis sage »

Interview

Questionnaire de Proust – Sophie Koch : « Christian Thielemann compte beaucoup pour moi »

Interview

Sophie Koch : « Aborder Isolde, c’est être devant l’Everest »

Interview

Les derniers dossiers

Questionnaire de Proust

Dossier

Les grands entretiens de Charles Sigel

Dossier

Philippe Boesmans (1936 – 2022)

Dossier

Zapping

Vous pourriez être intéressé par :

Die Frau ohne Schatten – Baden-Baden

Le rêve de l’enfant
Kirill PETRENKO, Elza VAN DEN HEEVER
Spectacle

Test je peux pas publier 2 mais après oui

Spectacle

Test Editeur modifier sans relecture nécessaire

Spectacle

INSTANT LYRIQUE Alexandre Marcellier, Marie-Andrée Bouchard-Lesieur — Paris (Opéra Comique)

Les servantes écarlates
Marie-Andrée BOUCHARD-LESIEUR, Yoan BRAKHA, Alexandra MARCELLIER
Spectacle