Forum Opéra

La clemenza di Tito — Montpellier

arrow_back_iosarrow_forward_ios
Partager sur :
Partager sur facebook
Partager sur twitter
Partager sur linkedin
Partager sur pinterest
Partager sur whatsapp
Partager sur email
Partager sur print
Spectacle
3 avril 2015
Titus et sa clémence ? Du bluff !

Note ForumOpera.com

2

Infos sur l’œuvre

Opera seria en deux actes

Livret de Caterino Mazzolà d’après Piero Metastasio

Création le 6 septembre 1791 à Prague à l’occasion du couronnement de Léopold II

Nouvelle production de l’Opéra Orchestre national Languedoc Roussillon

Détails

Mise en scène

Jorinde Keesmaat

Scénographie et costumes

Ascon de Nijs

Lumières

Floriaan Ganzevoort

Dramaturgie

Koen Bollen

Tito

Brendan Tuohy

Vitellia

Marie-Adeline Henry

Sesto

Kangmin Justin Kim

Servilia

Christina Gansch

Annio

Antoinette Dennefeld

Publio

David Bizic

Choeur et choeur supplémentaire de l’Opéra national Montpellier Languedoc-Roussillon

Chef de choeur

Noëlle Gény

Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon

Direction musicale

Julien Masmondet

Montpellier, Opéra-Comédie, vendredi 3 avril 2015 à 20 heures

Les difficultés financières de l’Opéra de Montpellier ont pesé sur la première représentation de La Clemenza di Tito, dernier opéra de la programmation de Jean-Paul Scarpitta. A l’heure du lever de rideau, la Directrice Générale est apparue pour annoncer qu’à la suite de la décision d’un syndicat de manifester publiquement ses craintes et son désaccord quant aux mesures que les tutelles qui financent la maison pourraient décider, le spectacle commencerait avec une heure de retard. Il y a eu des réactions houleuses et des spectateurs ont choisi de s’en aller, mais la majorité a accepté l’offre de la direction d’un verre au foyer.

Est-ce l’effet de cette tension ? La direction de Julien Masmondet, marquée au premier acte d’une rapidité parfois périlleuse pour le plateau, nous a paru sèche, anguleuse, contrainte, jusqu’à l’entracte, pour respirer plus largement au deuxième acte, où l’orchestre – sans cor de basset – sonne nettement plus moelleux et délié. Le même phénomène a pour nous caractérisé l’interprétation de Brendan Tuohy (Tito), dont la voix n’a retrouvé la liberté et la plénitude que nous avions aimées dans son Idomeneo récent qu’au deuxième acte. En revanche Kangmin Justin Kim (Sesto –revoir son entretien de février dernier avec Bernard Schreuders) s’éclaircit très vite la voix et il en démontrera sans faiblir  l’homogénéité, l’étendue étonnante et la souplesse, faisant preuve aussi d’une juste sensibilité dramatique, qualités qui lui vaudront un triomphe mérité aux saluts. Beau succès aussi, et justifié, pour Antoinette Dennefeld, Annio juvénile, dévoué et sympathique qui forme avec la gracieuse Servilia de Christina Gansch un couple  aussi séduisant scéniquement que vocalement. Le Publio de David Bizic, qui a des allures de garde du corps, déçoit d’abord par une émission engorgée, avant de retrouver sa clarté au deuxième acte. Reste la Vitellia de Marie-Adeline Henry. De ce rôle extrême elle émet fort bien les graves, mais hélas dans le haut du registre on entend des stridences, les suraigus finissent en cri et de façon générale l’intelligibilité est loin d’être parfaite. Sans doute le rôle ne se réduit-il pas à quelques notes, mais l’ampleur vocale requise doit être entière jusque dans ses limites, pour exprimer pleinement la « monstruosité » du personnage, et ici le compte n’y est pas.

Pour susciter l’intérêt et stimuler la location un mini-tournage avait enregistré, la semaine dernière, une manifestation sur la Place de la Comédie : les choristes y portaient des pancartes pour afficher leur soutien à Tito. On la retrouve dans le spectacle,  en invasion feinte au parterre et au balcon, avant que le chœur regroupé en scène au pied de la tribune joue l’unanimité des régimes totalitaires. Ces simulacres relèvent de la conception générale du spectacle, qui découle de celle du dramaturge Koen Bollen exposée sur huit pages dans le programme. Leur lecture éclaire les perplexités successives qui nous avaient assailli pendant la représentation. A aucun moment il ne s’interroge sur l’œuvre elle-même et sa portée lors de la création, pour éventuellement réfléchir à sa portée actuelle. Sur la base des sources historiques disponibles dont il ne remet pas en cause la fiabilité pourtant discutable il se met à imaginer les relations entre Tito et les autres personnages. La mise en scène de Jorinde Keesmaat s’en inspire probablement et – parce que Suétone rapporte que dans sa jeunesse Tito semble avoir eu une sexualité éclectique et qu’un vers (Ti ricorda il primo amore) se prête à telle interprétation sans que, d’ailleurs, elle soit exclusive – suggère que Sesto et lui ont été amants. Pourquoi pas ? Mais est-ce important ? Que Sesto ait été un enfant brimé, est-ce essentiel pour comprendre livret et partition ? Ne faudrait-il pas se demander ce que cette œuvre de circonstance peut encore nous dire aujourd’hui, s’interroger sur les échos des musiques maçonniques ? Mais ces questions doivent sembler bien oiseuses à qui a conçu la scène finale comme une supercherie et la prolonge d’une séquence filmée où la course de Tito et Sesto enfants se termine par la mort en direct d’un lapin tué en lui tordant le cou*, alors qu’on a pu voir que Sesto les aime au point de se consoler en peignant longuement les siens.

L’entreprise se voulait-elle dérision ? Elle est elle-même dérisoire tant cette lecture de l’œuvre semble relever de l’esprit d’escalier et accumule les clichés avec, il faut l’admettre, une rigoureuse cohérence. Puisque Sesto est un serin il sera vêtu de jaune, comme c’est un grand enfant il sera en culottes courtes et coiffé comme le garçon de la bande dessinée Les triplés, et il se laissera caresser et tripoter car il est la passivité même. Vitellia, puisque c’est une intrigante qui complote, est immanquablement une dominatrice en guêpière et cuissardes et Tito, faux débonnaire et vrai tyran dont la carrure et la barbe évoquent irrésistiblement le méchant de Popeye et aussi Luciano Pavarotti, fait du body building et casse son bureau quand il est mécontent. Evidemment ni Vitellia  ni Tito ne sont sincères, le repentir de l’une comme la clémence de l’autre ne sont que des postures adoptées pour la gestion de leur image publique. Seuls Annio et Servilia échappent à la caricature, encore que le vert de leurs costumes ait probablement une signification qui nous a échappé.

Même le décor  laisse interdit : si la division de l’espace scénique en trois zones, centrale pour Tito, latérales pour Vitellia et Sesto, est pertinente, suggère leur proximité personnelle et facilite les allées et venues, leur lisibilité  n’est pas évidente et les cages (?) descendues des cintres ne l’augmentent pas. Quant à la chute des monuments incendiés, on se rendra compte la fumée dissipée que les fragments en sont des ours en peluche. Certains spectateurs sont partis à l’entracte. Peut-on leur donner tort ? L’équipe de production avait un large sourire sous les huées qui l’ont accueillie, vite relayées, on ne peut le nier, par des applaudissements nourris. Alors, désaccord des Anciens et des Modernes ? Ou refus, chez les mieux informés, d’une réalisation trop narcissique pour se soumettre humblement à l’œuvre et en transmettre le message sans le dévoyer ? Il faudrait beaucoup de mauvaise foi pour ne pas reconnaître le talent et le travail des artisans de cette production. Dommage qu’ils ne les aient pas mis au service de l’œuvre telle que l’ont conçue ses créateurs. Où il est question d’un choix moral on nous montre un calcul opportuniste. La clémence, dans l’esprit de Mozart et de Mazzolà, ne relevait pas du cynisme. On peut penser que leur idéalisme était naïf. Mais il était réel. Ici, il n’en reste rien.

* En peluche, qu’on se rassure !

Commentaires

VOUS AIMEZ NOUS LIRE… SOUTENEZ-NOUS

Vous pouvez nous aider à garder un contenu de qualité et à nous développer. Partagez notre site et n’hésitez pas à faire un don.
Quel que soit le montant que vous donnez, nous vous remercions énormément et nous considérons cela comme un réel encouragement à poursuivre notre démarche.

Note ForumOpera.com

2

Note des lecteurs

()

Votre note

/5 ( avis)

Aucun vote actuellement

Infos sur l’œuvre

Opera seria en deux actes

Livret de Caterino Mazzolà d’après Piero Metastasio

Création le 6 septembre 1791 à Prague à l’occasion du couronnement de Léopold II

Nouvelle production de l’Opéra Orchestre national Languedoc Roussillon

Détails

Mise en scène

Jorinde Keesmaat

Scénographie et costumes

Ascon de Nijs

Lumières

Floriaan Ganzevoort

Dramaturgie

Koen Bollen

Tito

Brendan Tuohy

Vitellia

Marie-Adeline Henry

Sesto

Kangmin Justin Kim

Servilia

Christina Gansch

Annio

Antoinette Dennefeld

Publio

David Bizic

Choeur et choeur supplémentaire de l’Opéra national Montpellier Languedoc-Roussillon

Chef de choeur

Noëlle Gény

Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon

Direction musicale

Julien Masmondet

Montpellier, Opéra-Comédie, vendredi 3 avril 2015 à 20 heures

Nos derniers podcasts

Nos derniers swags

This be her Verse, par Golda Schultz et Jonathan Ware

La parole aux femmes
CDSWAG

Le Bourgeois Gentilhomme

Un gentilhomme en fête
CDSWAG

Debussy La Damoiselle élue

Lignes claires
CDSWAG

Les dernières interviews

Stanislas de Barbeyrac : « Il y aura peut-être un jour Tristan, si je suis sage »

Interview

Questionnaire de Proust – Sophie Koch : « Christian Thielemann compte beaucoup pour moi »

Interview

Sophie Koch : « Aborder Isolde, c’est être devant l’Everest »

Interview

Les derniers dossiers

Questionnaire de Proust

Dossier

Les grands entretiens de Charles Sigel

Dossier

Philippe Boesmans (1936 – 2022)

Dossier

Zapping

Vous pourriez être intéressé par :

Die Frau ohne Schatten – Baden-Baden

Le rêve de l’enfant
Kirill PETRENKO, Elza VAN DEN HEEVER
Spectacle

Test je peux pas publier 2 mais après oui

Spectacle

Test Editeur modifier sans relecture nécessaire

Spectacle

INSTANT LYRIQUE Alexandre Marcellier, Marie-Andrée Bouchard-Lesieur — Paris (Opéra Comique)

Les servantes écarlates
Marie-Andrée BOUCHARD-LESIEUR, Yoan BRAKHA, Alexandra MARCELLIER
Spectacle