C’est avec un fort beau programme que Krzysztof Urbański faisait son retour à la Maison de la Radio. Le chef polonais dirigeait vendredi soir un panorama de la musique polonaise du XXème siècle.
Placé en ouverture du concert, le Thrène à la mémoire des victimes d’Hiroshima enfonçait la porte de la modernité. Ce tube de la musique contemporaine repris de nombreuses fois au cinéma a valu à son compositeur Krzystof Penderecki une renommée internationale. Est-ce l’habitude de l’enregistrement qui nous surprend à l’écoute en live de cette pièce ? Les 52 cordes de l’Orchestre Philharmonique de Radio France sonnent un peu ternes. Il faut dire qu’en optant pour une écriture très divisée, le compositeur se refuse tout effet orchestral.
Le contraste avec le magistral Concerto pour orchestre de Witold Lutosławski n’en est que plus saisissant. Partition peu jouée, elle mérite pourtant une meilleure place dans les programmes symphoniques, tant elle met en valeur l’orchestre qui la sert. On y retrouve un Philhar’ en grande forme, tant chez les solistes de la petite harmonie que dans les pupitres de cordes. La battue originale mais toujours précise et musicale de Krzysztof Urbański fait des merveilles dans le virtuosissime deuxième mouvement, si difficile de mise en place.
La transition avec le Stabat Mater de Szymanowski est encore un contraste, de nature différente. Les deux partitions ont bien des choses en commun (facture orchestrale exceptionnelle, souvenirs de mélodies populaires polonaises), mais Szymanowski choisit un moyen d’expression diamétralement opposé. Ce Stabat polonais est une œuvre toute en retenue, un Requiem confidentiel duquel émane une lumière douce et réconfortante.
Simona Šaturová nous avait déjà parue bien discrète dans une Messe glagolitique il y a deux ans. Sa prestation dans Szymanowski peine à convaincre davantage : le calme et la retenue de la pièce font place à la minauderie, comme s’il fallait s’excuser de chanter cette musique. La présence noble et directe de Katharina Magiera est bien plus juste dans ses intentions, et sa voix d’alto au timbre riche et profond convient parfaitement à l’œuvre. La partie de baryton qui revient à Adam Plachetka contraste par ses accents dramatiques. Parfois couvert par une grande masse orchestrale, le baryton tchèque sait pourtant se faire entendre grâce à placement impeccable et une grande richesse en harmoniques aigües.
Préparé par Edward Caswell, le Chœur de Radio France se fond admirablement dans la toile orchestrale délicatement tissée par Krzysztof Urbański. On savoure la clarté de la diction polonaise, et le son pur et transparent choisi pour donner à une musique désincarnée juste ce qu’il faut de corps et de vie.